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27 août 2016

Sinotte : La prochaine étape du développement du football canadien

MontrealAlouettes.com

MONTRÉAL – Le football québécois est en santé. C’est le « Texas du Canada ». Chaque année, les organisations professionnelles des deux côtés de la frontière mettent la main sur des talents d’ici. On comptait 51 Québécois au sein des formations de la LCF en début de saison, et six dans la NFL.

Le monde du coaching est également en pleine mutation. D’une poignée de postes à temps plein dans les années 1990, le coaching est devenu un métier accessible et convoité au cours de la dernière décennie.

La tendance ne s’est toutefois pas encore transportée dans les rangs professionnels. Les entraîneurs québécois sont sous-représentés dans le circuit Orridge. On peut les compter sur les doigts de la main. L’échelon universitaire est devenu, dans plusieurs cas, la finalité de leur cheminement.

LE RÔLE DES ALOUETTES

Les Alouettes ont emboité le pas récemment. Après plusieurs critiques à la suite de l’embauche d’entraîneurs américains, l’organisation montréalaise a souhaité contribuer au développement des jeunes entraîneurs québécois. Montréal est d’ailleurs l’équipe qui compte le plus grand nombre d’entraîneurs canadiens dans la LCF (cinq) – à égalité avec Edmonton.

Un d’entre eux fait d’ailleurs sa marque avec l’organisation. Jason Hogan est un produit de la vague qui frappe la province depuis le début des années 2000.

Des Cougars de St-Léonard au Phénix du Collège André-Grasset, en passant par les Loups du Collège Curée-Antoine Labelle, Hogan a tracé son chemin jusqu’au nid.

En 2013, Hogan a décidé de mettre un pied dans la porte des Alouettes. Si sa passion était principalement le coaching, Hogan a passé par la porte arrière. D’un rôle marketing avec l’équipe en 2013 à une invitation comme entraîneur bénévole lors du camp d’entraînement en 2015, Hogan n’a pas laissé de choix aux Montréalais.

À la suite de cette saison, Popp et Calvillo ont décroché le téléphone pour offrir un rôle d’entraîneur offensif à temps plein à l’ancien quart-arrière du Rouge et Or de l’Université Laval.

DU FOOTBALL À TEMPS PLEIN

C’est avec un rythme de travail de 90 heures par semaine que Hogan vit sa première saison complète comme entraîneur chez les professionnels.

« J’en oublie le jour de la semaine tellement on est dans une routine intense. Je travaille facilement entre 16 et 18 heures par jour en saison, dont près d’une vingtaine par jour en début de semaine », explique Hogan. « J’ai le mandat de finaliser les plans de matchs, les livres de jeux hebdomadaires et d’autres documents de préparation qu’ont besoin les entraîneurs de positions et les coordonnateurs. »

Conscient qu’il y a bien peu d’élus dans ce milieu, il profite de cette opportunité à fond.

« Ça peut paraître cliché, mais chaque jour je me réveille en me disant que quelqu’un d’autre est en train de travailler plus fort que moi », indique-t-il.

DU FOOTBALL CANADIEN… DIRIGÉ PAR DES AMÉRICAINS

Questionné sur le peu d’entraîneurs québécois et canadiens dans la LCF, Hogan redirige la conversation vers la grosse machine de football que sont les États-Unis.

« C’est incroyable ce qui se passe au Québec depuis quelques années », soutient Hogan. « Mais, en même temps, le bassin ne se rapprochera jamais de celui des Américains. Il y a des milliers d’entraîneurs développé chaque année au sud de la frontière, et la majorité d’entre eux ont comme seul objectif de gagner leur vie avec ce sport. »

Selon lui, plusieurs jeunes entraîneurs et joueurs finissants d’ici ont un choix tranchant à faire entre le bénévolat au football ou un emploi rémunéré.

« C’est beaucoup plus rationnel d’opter pour un travail stable dans son domaine d’études que de mettre sa vie personnelle sur la glace pour deux ou trois ans et espérer décrocher un emploi dans le milieu du coaching. Plusieurs bons potentiels quittent rapidement le domaine, ce qui rend encore plus mince la sélection », souligne Hogan.

Le sport professionnel étant ce qu’il est, la recherche de résultats immédiats dicte souvent la prise de décision. Les organisations n’ont pas le réflexe d’opter pour des candidats locaux avec moins d’expérience au détriment d’entraîneurs américains qui ont un bagage plus costaud et qui ont l’habitude de gérer la pression des médias et de dizaines de milliers de partisans.

Et comme les réseaux de contacts ont souvent priorité dans un processus d’embauche, un cercle vicieux se crée. Si bien que l’augmentation d’entraîneurs québécois ou canadien dans la LCF ne suit pas la même courbe que celle des joueurs.

L’INSTAURATION D’UN RATIO D’ENTRAÎNEURS?

La situation se rapproche de celle des quarts, où le ratio de joueurs nationaux ne s’applique pas.

Étant lui-même un ancien quart-arrière, Hogan est sensible à la question du développement des jeunes quarts.

« J’ai vu des talents exceptionnels émerger ici lors de la dernière décennie. Reste qu’à talent égal, les quarts américains arrivent avec un bagage qui fait souvent la différence. Après avoir été la tête d’affiche d’un gros programme de la NCAA, ils se présentent au Canada avec une dose de confiance et une maturité impressionnante », commente Hogan.

Encore une fois, on peut parler d’un cercle vicieux. Lorsque ce sont des entraîneurs américains qui prennent les décisions, il peut être normal que des joueurs connus provenant d’un système de développement plus familier soient priorisés.

Et si la LCF imposait à ses équipes un minimum d’entraîneurs canadiens?

« Les équipes ont commencé à inviter régulièrement des quarts d’universités canadiennes à leur camp d’entraînement », a mentionné Hogan, qui propose plutôt des mesures incitatives de développement. « Il pourrait y avoir un nombre obligatoire quant à la participation d’entraîneurs d’ici. Une chose est certaine : si les équipes offrent des opportunités et ouvrent des postes, les gens vont postuler. »