15 septembre 2016

Sinotte : Apprendre à être remplaçant, mais aspirer à plus

La Presse Canadienne

MONTRÉAL – On a décidé de les payer pour jouer au football en grande partie parce qu’ils dominaient le circuit universitaire canadien. Sans complexe, sans adaptation et, surtout, sans broncher, ils doivent amener leurs habiletés au prochain niveau.

La qualité principale de tout joueur vedette est la confiance en soi. La certitude qu’on va dominer sous les projecteurs. Le sentiment d’invincibilité pour performer, constamment, peu importe le contexte.

Alors, comment fait-on pour garde cette confiance suprême lorsque, du jour au lendemain, on passe de vedette à remplaçant?

Un remplaçant de luxe

David Ménard en est à sa troisième saison avec les Lions de Colombie-Britannique. Choix de quatrième tour du repêchage de 2014, il a fait le saut après un passage de quatre ans avec les Carabins de l’Université de Montréal. Il détient d’ailleurs toujours le record de sacs dans l’histoire du programme.

Avec les Lions, il voit son temps de jeu augmenter chaque année depuis son entrée chez les pros, et il fait partie de la rotation sur le front défensif des Britanno-Colombiens. Il est l’un des jeunes Québécois qui voient le plus d’action dans la LCF. En moyenne, on lui donne entre 15 et 20 jeux par match.

Même s’il participe à de plus en plus de séquences défensives, il reste un remplaçant canadien qui doit contribuer à deux des unités de bottés.

Il cite justement son coéquipier Jason Arakgi, qui a battu cette année le record de la LCF pour les plaqués sur les unités spéciales en carrière : « Même si on prend une fierté à évoluer sur les unités spéciales, on échangerait n’importe quels plaqués contre un jeu en défense. »

C’est face à la perception de certains entraîneurs que le maintien de la confiance devient un bon défi personnel.

« C’est sûr que tu es conscient du ratio, mais en même temps, la fierté fait que tu ne veux pas seulement dépasser le joueur en avant de toi à cause de ta nationalité », confie Ménard. « Tu veux jouer parce que tu es meilleur que l’autre, parce que tu le mérites. »

Les joueurs doivent ainsi continuer d’aspirer à un poste en attaque ou en défense à tout moment de leur carrière, et éviter de simplement accepter leur sort sur le « troisième tiers ».

Le fait de tenter de bâtir une confiance en faisant une ou deux séries par match représente un bon cercle vicieux mental. Surtout quand les séries ne se succèdent que très rarement.

Rien de pire que de faire une série, de monter sa confiance et de trouver son rythme, pour ensuite mettre une casquette pour un quart et demi. Et c’est le même défi, que la série en question ait été bonne ou non.

Ce n’est pas plus simple de broyer du noir pendant 30 minutes sur les lignes de côté, parce qu’on a perdu son erre d’aller ou parce qu’on ne comprend pas pourquoi on s’est fait remplacer après une bonne série.

Le progrès des Canadiens

Ménard est un compétiteur. S’il a eu de la difficulté à garder confiance en ses moyens en début de carrière, il est beaucoup plus serein avec le concept et comprend mieux aujourd’hui que le sport est une business. Mais avec un deuxième contrat en poche, il veut redevenir le contributeur qu’il a été dans les rangs universitaires.

Selon lui, même si le ratio va toujours faire partie de la LCF, il voit un grand changement de perception depuis son entrée dans la Ligue.

« La qualité des joueurs québécois force la main des dirigeants. La décision du ROUGE et NOIR d’utiliser plus de Canadiens que le minimum imposé par le ratio en est un bon exemple », soutient Ménard.

La situation en Colombie-Britannique est également très bonne pour les joueurs d’ici. Avec un entraîneur-chef comme Wally Buono, qui gravite autour de la LCF depuis plus de 40 ans, l’appréciation et la valorisation des Canadiens, chez les Lions, sont bien présentes.

Reste que Ménard a raison de ne pas souhaiter voir du terrain seulement à cause de son passeport.