Custis a écrit l’histoire en devenant le premier quart-arrière noir de la LCF

Bernie Custis a quitté sa rencontre avec les Browns de Cleveland frustré, mais avec un plan.

Quart-arrière étoile avec l’Université de Syracuse de 1948 à 1950, il espérait que les Browns lui donneraient l’opportunité d’évoluer à cette position dans la NFL. Deux obstacles lui ont barré la route. Premièrement, Cleveland comptait sur le quart-arrière Otto Graham, un éventuel membre du Temple de la renommée du football professionnel. Deuxièmement, l’idée d’un quart-arrière afro-américain n’avait essentiellement jamais traversé l’esprit des dirigeants de la NFL. Quand il a refusé de jouer comme maraudeur avec l’équipe, on l’a libéré, à condition qu’il ne joue pas pour aucun autre club de la NFL.

Alors qu’il s’apprêtait à partir, l’entraîneur Paul Brown a parlé à Custis de la Ligue canadienne de football.

« Je ne pense pas qu’il connaissait beaucoup de choses à propos du Canada. Il a simplement sauté dans un train et s’est dirigé vers le Nord », se souvient John Williams Jr., un ami de la famille Custis, un ancien joueur de la LCF et le narrateur de Gridirion Underground, un documentaire publié en 2015 traitant du parcours qu’ont pris Custis et plusieurs autres Afros-Américains afin de jouer au Canada.

« Il m’a dit qu’après avoir mis les pieds en sol canadien, la première personne noire qu’il a vue en descendant du train n’a été nul autre que l’ancien gouverneur général Lincoln Alexander. Alexander a brisé plusieurs barrières et stéréotypes lui aussi, devenant notamment le premier gouverneur général noir de l’histoire du Canada. »

Custis ne le savait peut-être pas à cette époque, mais il s’agissait d’un signe de ce qui allait l’attendre dans son nouveau pays. La carrière de Custis dans la LCF n’a duré que six saisons, et il n’a passé que la première, en 1951, dans l’uniforme des Tiger-Cats de Hamilton, mais la décision fut historique. Custis est devenu le premier quart-arrière noir de la Ligue. Quelque 67 ans après cette première année comme quart-arrière, Custis est reconnu comme un véritable pionnier. Son dévouement à vouloir briser des barrières a perduré bien après sa carrière dans le football professionnel. Il a été un professeur et un directeur d’école à Hamilton, avant de devenir entraîneur au football junior, d’abord avec l’Université Sheridan College puis avec l’Université McMaster. Il est décédé le 23 février 2017 à Burlington, en Ontario, à l’âge de 88 ans.

« Son histoire est simple : utiliser les sports pour obtenir des opportunités dont les gens ne profitaient généralement pas », a dit Williams, dont la carrière après le football a grandement été influencée par l’héritage laissé par Custis. Il est le directeur du mouvement « McMaster Youth Movement », qui assure le développement et la croissance des athlètes autochtones à l’Université McMaster ainsi qu’après leur séjour à l’université.

« Que pouvez-vous accomplir grâce au sport? C’est ce que je retiens le plus de la vie de Bernie et du travail qu’il a accompli. Je crois que c’est aussi l’une des motivations qui explique ce que je fais aujourd’hui avec la communauté autochtone. Plus jeune, qu’il eût été dépisteur pour les Argos ou pour Hamilton, j’ai eu la chance de voir comment les gens l’acceptaient. C’était seulement grâce aux sports, parce que c’est quelque chose qui n’arrive généralement pas. »

Au cours des années où Williams a côtoyé Custis, il a entendu bon nombre d’histoires où Custis peinait à être accepté, même s’il était quart-arrière pour l’un des meilleurs programmes de football universitaire aux États-Unis.

« Je crois que son expérience avec l’Université de Syracuse, encore plus que son expérience dans la LCF, est incroyable, quand on pense à l’époque où le tout s’est déroulé. »

« Aujourd’hui, on parle des minorités dans les universités, des établissements fréquentés avant tout par des personnes à la peau blanche, autant au Canada qu’aux États-Unis, mais, à cette époque, les minorités étaient inexistantes. Il fréquentait une cheerleader blanche à l’Université de Syracuse, et je crois qu’il a été réprimandé pour ça aussi. »

« Dans le nord, à New-York, (vers la fin des années 1940), ce n’était pas comme au sud, où mon père habitait », a dit Williams en parlant de son père, John Sr., qui a grandi à Denton, au Texas.

Autant sur le terrain qu’à l’extérieur de celui-ci, Custis était en avance sur son temps. Williams se souvient quand son père a voulu devenir entraîneur vers la fin des années 1970. Un journal avait alors titré qu’un homme noir voulait devenir entraîneur. Williams rappelle qu’au sein de l’équipe pour laquelle il a évolué en 2004, les Argonauts de Toronto, l’entraîneur-chef Michael « Pinball » Clemons était devenu le premier entraîneur-chef noir de l’histoire de la LCF à remporter la Coupe Grey. Il n’y a que 14 ans.

Custis a été un professeur et un directeur d’école pendant 35 ans. Il a été entraîneur dans les années 1960, 1970 et 1980, remarquant que, tranquillement, d’autres à la peau noire devenaient petit à petit entraîneurs eux aussi.

« Je crois que c’est l’apprentissage dont j’essaie le plus de tirer profit. Quand je parle aux plus jeunes de la plus jeune génération, ou tout simplement à des enfants, je crois qu’il est important de véhiculer le message que nous ne sommes pas simplement arrivés où nous sommes en claquant des doigts. D’autres ont pavé le chemin avec nous », dit Williams.

« Il y a une citation que j’aime bien utiliser. Il est facile de toucher les étoiles quand on se tient sur les épaules de géants. »

« Aider les jeunes à reconnaître le travail effectué par ceux qui étaient là avant eux, les opportunités dont ils profitent grâce à ce qui a été réalisé par ceux qui étaient là avant eux, et les épreuves que ces derniers ont dû traverser. »

« Aujourd’hui, plusieurs Américains et Canadiens, des joueurs qui évoluent dans cette ligue, ne connaissent pas du tout cette histoire, ou ils ne savent pas que la LCF a aidé à briser des barrières, pendant que la NFL ne faisait rien à l’époque. Pourtant, je crois qu’il s’agit d’une histoire importante. »

« Certains ne savent tout simplement pas le privilège qu’ils ont de pouvoir jouer dans cette ligue. »

D’après un article de Chris O’Leary publié sur le CFL.ca.