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2 juillet 2019

Alouettes : Le départ de Luc Brodeur-Jourdain marque la fin d’une époque

Dominick Gravel/Alouettes de Montréal

MONTRÉAL — L’annonce de la retraite du centre Luc Brodeur-Jourdain signifie la fin d’une époque chez les Alouettes de Montréal.

Le vétéran de 36 ans a indiqué lundi que le match de jeudi, face aux Tiger-Cats de Hamilton, allait être son dernier dans l’uniforme des Oiseaux.

L’ex-porte-couleurs du Rouge et Or de l’Université Laval quitte ainsi après un peu plus de 10 saisons avec les Alouettes. Il a vécu les années fastes du club, remportant notamment la coupe Grey à ses deux premières campagnes, en 2009 et 2010. Mais Brodeur-Jourdain a également vécu les pires, alors que l’équipe a été exclue des matchs éliminatoires au cours des quatre dernières campagnes et est toujours à la recherche de sa première victoire cette saison.

«C’est certain que j’aurais aimé mieux partir alors que l’équipe connaît du succès, a admis le no 58 à l’issue de la séance d’entraînement de mardi, au Stade olympique. Ça aurait été plus agréable de partir après des saisons de 13-3 ou 14-2. Mais je voyais le sablier devant moi et je voyais qu’il en restait de moins en moins. Je pense être allé jusqu’au dernier grain de sable!

«Ce n’est pas une retraite motivée par une quelconque colère ou sentiment de déception envers l’organisation. C’est une décision mutuelle, avec laquelle je suis très bien. Ma carrière aurait pu se terminer l’année dernière, après le dernier match, mais je souhaitais revenir, être une police d’assurance au centre. Maintenant, c’est terminé.»

Ce n’est d’ailleurs pas un moment en particulier qui lui a fait arrêter sa décision.

«Ça a été une discussion avec Kavis (Reed) et Patrick Boivin. Fallait voir les choses telles qu’elles sont. J’ai toujours été quelqu’un de très logique et rationnel. Ce n’est pas logique et rationnel d’avoir un vieux de 36 ans sur la liste des blessés pour un match et que son salaire compte toujours sous le plafond. Ça devient un boulet. Pas au niveau de mon attitude, de ma façon de me préparer ou de l’exemple que je peux donner aux jeunes, mais c’est la réalité. C’est du sport professionnel. Il y a une question financière à toute décision et même moi, je trouve que ça ne fait pas de sens.»

«On ne sait jamais exactement quand les gens vont prendre leur décision, a analysé Kristian Matte, qui a pris la relève de Brodeur-Jourdain au centre. Dans notre business, quand on commence à vieillir, c’est plus tôt que tard. Il en a parlé un peu, mais c’est un gars qui était toujours concentré sur le travail à accomplir. Je pense que c’est quelque chose qui n’a germé que dernièrement. C’est difficile à voir, mais en même temps, les années passent vite. Ça fait 10 ans que je joue avec lui, mais ça a passé trop vite. On le voyait venir un peu, mais on était pas certain.»

Des équipes championnes de 2009 et 2010, il ne reste plus que John Bowman et Martin Bédard. Ce dernier était très ému de commenter le départ de celui qui est devenu son ami au fil du temps.

«C’est certain qu’il y aura un après et un avant Luc. J’avoue qu’on peut appeler ça une époque. Un gars qui a eu un si grand impact sur l’organisation, un ambassadeur comme Luc, c’est certain que lorsqu’il ne sera plus là, ça va faire un grand vide, a-t-il dit. (…) Personnellement, on a tissé des liens très forts, et je vais continuer de voir mon ami Luc.»

«Je pense que c’est un meilleur meneur que je ne le serai jamais, l’a pour sa part louangé Bowman. Il a eu à en faire beaucoup. Pas seulement à titre de porte-parole francophone dans la communauté, mais aussi comme membre de l’équipe. C’est un grand homme.

«Quel coéquipier remarquable, a-t-il poursuvi. Il représentait les Alouettes partout, tout le temps. Il a été le visage francophone de l’équipe une fois que Marc-Olivier Brouillette et Étienne Boulay ont quitté. Sur le terrain, il a joué avec un ligament croisé antérieur déchiré pendant près d’un match complet. Il est courageux.(…) J’ai adoré partager le terrain avec lui.»

Brodeur-Jourdain a joué 167 matchs pour les Alouettes, mais il n’a pas été utilisé par l’entraîneur-chef Khari Jones cette saison. Ça ne l’empêchait pas d’être le premier arrivé et le dernier parti chaque jour dans l’entourage des Alouettes.

«J’ai pu constater quel type d’homme il est depuis que je suis ici, a indiqué Jones. Il a été le point d’ancrage de la ligne à l’attaque pendant de nombreuses années et c’est tout un leader. C’est impressionnant de voir le travail qu’il effectue, même présentement. J’aurais souhaité pouvoir compter sur lui un peu plus tôt dans sa carrière, car c’est le genre de gars que tu veux avoir dans ta formation.»

L’entraîneur ne pouvait promettre s’il l’enverra une dernière fois sur la surface du stade Percival-Molson jeudi.

«Il faut que ça fonctionne pour l’équipe aussi. J’aimerais le voir jouer, mais c’est l’allure du match qui va dicter tout cela.»

Un nouveau rôle qui reste à être défini

Brodeur-Jourdain sera «un Alouette à vie». Mais le rôle qu’il jouera au sein de l’organisation dorénavant reste à être défini.

«On en a discuté, mais ce n’est pas encore peaufiné, a-t-il expliqué. Pourquoi? Ça vient principalement de moi. Les portes sont ouvertes, mais c’est de voir avec ma famille ce que je peux faire.

«Un poste d’entraîneur, c’est évidemment ce qu’on m’a le plus souvent proposé, a poursuivi le no 58 des Alouettes. Mais je ne veux pas obtenir d’avantage quelconque par rapport aux autres entraîneurs, dans le sens où dans ma réalité familiale, je ne suis pas capable de le faire en ce moment.

«Si on avançait de cinq ou 10 ans, peut-être que ce serait possible, mais ce n’est pas quelque chose que je peux me permettre en ce moment. L’horaire d’un entraîneur, même s’il est sur six mois, est trop intense. Ça prend du temps.»

Très éloquent, l’ex-porte-couleurs du Rouge et Or de l’Université Laval pourrait dès demain se trouver une place dans les médias ou aider les Alouettes à titre d’ambassadeur. Mais on sent qu’il veut prendre le temps de digérer son dernier match et son changement de statut au sein de l’organisation.

«Ce qui va me manquer à tout jamais, c’est le sentiment d’être un enfant, a-t-il raconté. Dès le moment que tu enlèves tes crampons, même si tu restes impliqué dans le football (…), tu n’es plus un enfant. Car c’est ce que tu es quand tu es joueur de football; tu es avec ta gang et tu joues. Quand t’oublies tous les paramètres qui font que c’est une business, un spectacle, il reste des gars qui jouent au football.»

Il ne sait toujours pas si Khari Jones fera appel à ses services jeudi, contre les Tiger-Cats de Hamilton, alors que les Alouettes lanceront leur saison locale au stade Percival-Molson. Mais il souhaiterait que ses enfants puissent le voir jouer une dernière fois.

Il croit toutefois que Thomas, 13 ans, Noah, 3 ans, et Adam, 2 ans, garderont quelques souvenirs de sa carrière.

«Mon petit dernier a vu mon sac de cuir avec le logo des Alouettes (lundi) et a dit: ‘Papa, équipe à papa’. Alors il va peut-être rester un petit souvenir. Ils ne mesurent pas non plus l’ampleur de tout ça. Ils me voient jouer au football et c’est tout. Je souhaite qu’ils en gardent un petit souvenir.»

Les journalistes qui ont eu la chance de le côtoyer au cours des 10 dernières années en garderont quant à eux un excellent.

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