24 octobre 2019

Se reposer ou sauter dans la mêlée? La grande question des entraîneurs-chefs…

Dominick Gravel/Montreal Alouettes

Toronto – C’est une grande énigme depuis la nuit des temps dans la Ligue canadienne de football (LCF). Ou plutôt un dilemme.

Que faire? Voilà la question que l’entraîneur-chef des Ticats Orlondo Steinauer et celui des Alouettes Khari Jones devront se poser, alors que les éliminatoires arrivent à grands pas : qu’est-ce qui est le plus important pour leurs formations respectives? Se reposer ou sauter dans la mêlée?

Les joueurs ont des bobos après une dure saison régulière, mais ils jouent bien par les temps qui courent. Que doit faire l’entraîneur-chef?

Un entraîneur-chef devra vivre avec ce casse-tête, pour finir par faire ce qui doit être fait, selon ses besoins. Et il n’y a pas de réponses faciles, pas de standards préétablis.

« Je ne crois pas qu’il ait une bonne ou une mauvaise réponse », dit Jim Barker, le coordonnateur offensif adjoint des Tiger-Cats, lui qui a 20 ans d’expérience dans la LCF.

« Tous ceux qui disent qu’il y a une bonne ou une mauvaise réponse n’ont jamais vécu cette situation. »

« Toutes les équipes et chacune des situations sont différentes », dit-il.


 
Et les Alouettes et les Ticats ont plusieurs éléments à considérer – alors qu’ils s’affronteront, ce samedi -, et ce, au-delà des questions de « se reposer ou sauter dans la mêlée? ».

Avec la possibilité que les deux formations se revoient en finale de l’Est – si les Als viennent à bout des Eskimos, lors de la demi-finale de l’Est —, les deux protagonistes voudront stabiliser leurs plans de match, sans dévoiler leurs stratégies.

« Il y aura des choses que nous garderons pour nous », dit Steinauer, en vue du match de samedi, à Montréal.

Si Khari Jones voit les choses de la même façon, nous aurons droit à un « sundae » nature; la sauce chocolatée, les petits brillants, la crème fouettée et les noix seront pour les éliminatoires.

Mais si les entraîneurs-chefs décidaient de tout montrer, qu’adviendrait-il de la suite des choses? Ils pourraient révéler de faux jeux, des mensonges, simplement pour garder l’adversaire en déroute. Le faire douter.

Mais bon, revenons à nos moutons. En plus de tout cela, il faut aussi que l’entraîneur-chef s’assure que tout son monde demeure en santé.

Avec le titre de la division Est dans la poche, la semaine de repos de plus, avant la préparation pour la finale de section, Steinauer doit naviguer de mains de maître, lors de deux matchs de saison régulière qui ne changeront rien au classement définitif.

Il approche le sujet avec flexibilité, attention aux détails – comme Barker – et considérant qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses.

« Il n’y a pas de mode d’emploi pour ce genre de situation », a-t-il dit avant d’aller battre le ROUGE et NOIR d’Ottawa, la semaine dernière.


 
Jones nous a déjà donné un aperçu de son plan, en vue des deux derniers matchs de la saison régulière des Alouettes, alors que son équipe est assurée d’accueillir la demi-finale de l’Est, le 10 novembre prochain.

Contre Toronto, lors de la semaine 19, Jones a gardé John Bowman sur le banc, le joueur de 37 ans qui voudra vivre une dernière exclamation d’euphorie avant la fin de sa brillante carrière. De plus, dès que William Stanback a atteint le plateau des 1000 verges de gains, il a décidé que s’en était assez. Assieds-toi William et repose-toi.

Pour Jones et les Als, le dilemme est plus facile à résoudre. Avec aucune semaine de relâche avant le début des matchs éliminatoires, le repos ne sera pas un luxe.

Avec quelques joueurs amochés dans la formation montréalaise, la question ne se posera peut-être pas à savoir s’ils devront se reposer, d’ici la fin de la saison régulière. Il faudra qu’ils soient frais et dispo pour le – ou les — grand match de novembre.

Jones et Steinauer auront cette discussion avec les athlètes en question — bien sûr – qui pourront peut-être même décider de leur sort. Barker se souvient que c’était la façon de faire de l’un des plus grands entraîneurs-chefs de tous les temps, dans la LCF.

« À l’ère Don Matthews, les joueurs décidaient de ce qu’ils voulaient faire », dit Barker, notant au passage que les choses semblaient plus simples, jadis.

« Chaque équipe a son identité et a été bâtie d’une certaine façon. Tout dépend donc du type de formation que vous avez », ajoute-t-il.

« C’est vraiment une situation particulière », dit Steinauer. « Il y a plusieurs défis à relever. Mais dès que notre formation partante est coulée dans le béton, tous ceux qui y sont devront s’attendre à jouer. Et ils devront le faire avec acharnement. »

« Nous ne jouerons pas avec retenue, mais nous n’exagérerons pas non plus. »

Plusieurs joueurs l’ont déjà dit : si vous tournez les coins ronds, si vous êtes trop en retenue, c’est là que les blessures surviennent. Jones et Steinauer devront opérer de façon minutieuse, départager qui jouera et qui se reposera.

Et les entraîneurs-chefs savent aussi que, par exemple, plusieurs quarts substituts n’ont pas touché au ballon très souvent durant la saison. Après tout, Dane Evans et Vernon Adams Jr. n’ont-ils pas assez joué pour être à l’aise dans leurs attaques respectives?


 
Mais Evans et Adams sont jeunes et ils pourraient tout de même profiter et bénéficier de tout le temps de jeu possible. Il faudra donc que Jones et Steinauer répartissent bien le temps entre leurs quarts partants et les substituts, qui pourraient devoir sauter dans la mêlée, lors des matchs éliminatoires. Qui sait?

Barker se souvient d’avoir fait les deux, au cours de sa carrière : reposer ses vétérans, alors qu’il était à Toronto, faire jouer sa jeune équipe, alors qu’il était à Calgary. En 2013, les Argos avaient gardé la majorité de leurs vétérans sur le banc, lors du dernier match de la saison régulière contre Montréal, incluant le grand Ricky Ray.

Ils avaient perdu la finale de l’Est aux mains de Hamilton, cette année-là, mais Ray avait complété 17 de ses 20 passes dans la première demie, permettant aux Argos de prendre les devants 24-17 à la mi-temps. Lors de la deuxième demie, les Ticats ont été intraitables. Tout ça pour dire que Ray n’était pas rouillé. Ce sont plutôt les Ticats qui s’étaient ajustés.

Pour terminer, rappelons-nous les Eskimos d’Edmonton édition 2015. Cette saison-là, les Esks s’étaient assurés de terminer au premier rang de l’Ouest, lors de leur dernier match de la saison régulière; l’avant-dernière semaine de la campagne 2015.

Edmonton devait donc attendre trois semaines avant de jouer son match de finale de section. Beaucoup trouvaient que c’était trop long. Qu’Edmonton aurait dû perdre son dernier match pour jouer en demi-finale de l’Ouest et ainsi garder un certain rythme.

Le secondeur J.C. Sherritt avait dit, à l’époque, que ce n’était pas si long et qu’il avait dû attendre encore plus longtemps dans pareille situation, lorsqu’il était à l’Université Eastern Washington.

« J’ai attendu 28 jours avant de jouer la finale nationale et je me sentais très bien sur le terrain », avait dit Sherritt. « Ce ne sera donc pas la première fois que j’attendrai un peu avant un match important. »

Les Eskimos avaient finalement battu Calgary 45-31, lors de la finale de l’Ouest, en route vers un championnat de la Coupe Grey, une semaine plus tard.

Le repos n’avait donc pas altéré la route du succès des Esks, cette année-là.

Alors, se reposer ou sauter dans la mêlée?

Ce n’est pas une science exacte. Il faudra simplement que Jones et Steinauer préparent « leurs » équipes adéquatement. Chaque formation est différente et chaque formation doit avoir sa propre formule.

D’après un article de Don Landry, paru sur CFL.ca