Un adage familial a alimenté Harris tout au long d’une incomparable saison

EDMONTON – Vers la fin de sa huitième saison dans la LCF, Trevor Harris croyait qu’il avait fini d’attendre.

Il a passé les quatre premières années de sa carrière avec les Argonauts de Toronto comme substitut derrière Ricky Ray. Il a signé un contrat avec le ROUGE et NOIR d’Ottawa en 2015, puis il a joué derrière Henry Burris pendant deux ans, alors que plusieurs aux quatre coins de la Ligue savaient qu’il avait les habiletés pour être le quart-arrière partant d’une équipe.

Il a livré la marchandise et a bien répondu aux attentes que l’on fondait en lui au cours des trois dernières saisons, d’abord en 2017 et en 2018 avec Ottawa, puis avec Edmonton, club avec lequel il a signé un contrat en tant que joueur autonome l’hiver dernier. Il faisait partie de la conversation pour le titre de joueur par excellence de la LCF à sa première saison avec les Esks, mais il a dû patienter à nouveau.

Une blessure au bras droit l’a placé sur la touche du 7 septembre au 21 octobre. Il n’a disputé qu’un seul des six derniers matchs de son équipe cette saison, regardant des lignes de côté son substitut Logan Kilgore sauter sur le terrain comme quart-arrière partant pendant son absence.

« D’une certaine manière, vous vous sentez comme un copain jaloux », a dit Harris. « Vous regardez quelqu’un d’autre déployer l’attaque. »

Edmonton et Montréal croiseront le fer pour seulement la deuxième fois lors des éliminatoires (2008), alors que les Eskimos, impactés par la règle du croisement, tenteront d’accéder au match de la Coupe Grey en passant par la division Est (La Presse Canadienne)

Harris s’est assis seul dans une salle de réunion du stade du Commonwealth, lundi, profitant d’un peu plus de temps de préparation en vue de la demi-finale de l’Est de dimanche. Les Esks ont retiré son nom de la liste des blessés pour six matchs le 21 octobre, et il était le partant du club lorsque celui-ci s’est incliné devant la Saskatchewan le 26 octobre. Les entraîneurs ont choisi de le reposer, samedi dernier, lors du dernier match du calendrier régulier des leurs, une partie n’ayant aucune conséquence sur les éliminatoires.

Ce fut une leçon d’humilité, selon lui, de devoir céder sa place. Tout le monde connaît l’histoire de Wally Pipp, le joueur de premier but des Yankees de New York qui a raté un match en 1925 en raison de maux de tête. Son remplaçant? Lou Gehrig. Il existe un risque bien documenté lié au fait de ne pas pouvoir jouer.

Mais quand vous ne pouvez pas physiquement lancer le ballon, vous n’êtes pas très utile à votre équipe, et Harris le savait.

« Le football est le plus gros sport d’équipe de tous les temps. Si je ne suis pas prêt à laisser tout le monde faire sa part et si je ne suis pas le type de coéquipier que je dois être… », a-t-il poursuivi. « Être un bon coéquipier, c’est aider votre remplaçant, même si le fantôme de Wally Pipp est bien présent. »

« J’ai tout fait pour aider Logan et le préparer, pour lui donner tous les conseils possibles, car nous sommes tous dans le même bateau. C’est vraiment ce qui compte », a dit Harris.

« Si vous ne pouvez pas encore saisir ce concept, honte à vous. Alors j’ai fait de mon mieux pour être le meilleur coéquipier possible durant cette période. »

« Mais ç’a été la période la plus difficile et la plus éprouvante, sur le plan émotionnel et mental, de ma carrière. »

Il en faut beaucoup pour forcer Harris à quitter un match. Aujourd’hui âgé de 33 ans, Harris a grandi a regardant son père, Tom, placer la barre si haute en termes de ténacité qu’il lui serait encore difficile de l’atteindre aujourd’hui.

Il se souvient que son père lui racontait des histoires quand il était petit dans laquelle ce dernier se rendait un jour par semaine, dans leur ville natale de Waldo, dans l’Ohio, à l’établissement correctionnel de Marion pour boxer avec des prisonniers.

« C’était peut-être simplement une autre époque. Dans les années 80, il allait boxer contre des prisonniers pour s’amuser. Il est un col bleu typique. Évidemment, il est maintenant plus âgé, alors je ne sais pas s’il pourrait continuer à le faire, mais ça, c’est mon père. »

Trevor était un excellent athlète à l’école secondaire, excellant évidemment comme quart-arrière, mais il a aussi joué au basketball et au baseball. Son père lui a inculqué deux choses qui sont très évidentes dans sa carrière dans la LCF : robustesse et éthique de travail.

Trevor explique que Tom dirige sa propre entreprise de construction, ajoutant rapidement que ce n’est pas comme s’il conduisait un camion sur un chantier pour surveiller les lieux. Son père est un employé, comme les autres. Tom Harris travaille tous les jours. Trevor dit qu’il fonctionne à l’énergie solaire. Il travaille de l’aube jusqu’à ce que le soleil se couche.

« Je me souviens de le voir revenir à la maison pendant que je regarderais Les Simpson quand j’étais jeune », a dit Harris.

« Il me dirait quelque chose comme : « As-tu tiré des paniers? » Je dirais : »Non, je viens de rentrer de l’école. » Il listerait quelques personnes : « Je te parie qu’un tel ou un tel est en train de tiré des paniers, et que c’est pourquoi ils vont réussir. » »

« Toute ma vie, j’ai eu cet adage en tête que d’autres travaillent toujours et que si vous vous ne travaillez pas, eux le font et deviendront meilleurs que vous. Il a inculqué cet état d’esprit en moi. »

« Ça, et la ténacité. »

À l’entendre parler, il pourrait y avoir un chapitre entier à propos de la ténacité de Tom Harris dans l’histoire de la vie de Trevor. Il a vu son père se faire tirer dans la main avec un pistolet à clou, puis il a vu Tom retirer le clou, frotter la plaie et continuer à travailler. Trevor a travaillé à ses côtés pendant les étés où il étudiant à l’Université d’Edinboro. Ses tâches allaient de creuser des sous-sols avec lui à poser des bardeaux sur des toits sous de chauds soleils d’été, où il pouvait faire plus de 40 degrés Celsius.

« Autant que je prenne le football très au sérieux, peut-être même un peu plus sérieusement que d’autres, la famille et la foi sont les piliers de ma vie. »

– Trevor Harris, quart-arrière des Eskimos

Quand Trevor a participé à son premier camp d’entraînement dans la LCF, avec les Argos en 2012, ses parents ont eu un accident de moto. Ils ont survécu, mais ils ont été gravement blessés. Tom a reçu 75 points de suture au visage et a subi une commotion cérébrale et des fractures d’un os du cou et du dos. Sa mère, Suzanne, s’est fracturé un os du visage, un doigt, un poignet et un os de la cheville. L’accident est survenu trois ans après que Suzanne ait combattu avec succès le cancer. C’est une histoire que Tim Baines de Postmedia a détaillée avec une grande attention en 2017.

Ce chapitre de l’histoire de la vie de Trevor devrait en réalité s’intituler La ténacité de la famille Harris.

« Autant que je prenne le football très au sérieux, peut-être même un peu plus sérieusement que d’autres, la famille et la foi sont les piliers de ma vie », a dit Harris.

« C’est difficile, pour moi, de réaliser cela, mais plus je vieillis, plus il est facile d’avoir cette perspective, car c’est difficile pour moi après une défaite. Je ne réagis pas très bien. »

« Mais en voyant ce que mes parents ont vécu et en réalisant qu’ils sont toujours là… En réalisant que mon fils est toujours là, que la femme de mes rêves est ma femme. Ce sont des choses qui me donnent un peu de perspective et qui m’aident à hiérarchiser les choses en fonction de ce qui est vraiment important. »

Le football demeure aussi près de ces deux priorités que possible. Harris s’entraîne sans relâche, cherchant toujours un avantage lors de la saison morte, qu’il s’agisse de danser la claquette dans le studio de danse de sa mère à Waldo, comme il l’a fait l’hiver dernier, de lire des livres sur le leadership, ou de suivre des cours d’entraînement de style militaire au combat mental.

« Vous atteignez un certain point où vous n’allez jamais vous améliorer de 15 à 20 % pendant la saison morte », a-t-il dit.

« Ce qui distingue vraiment les bons joueurs des légendes, c’est ce 1 %, ce 1 % et demi. Je suis toujours en quête de ça. »

Au cours de sa récente période de guérison en raison d’une blessure, Harris a été en contact avec un entraîneur en performance mentale qu’il a rencontré à Ottawa. Cela l’a aidé à gérer son absence et à se préparer en vue de son retour au jeu. Mardi, il a pris les répétitions de la première unité offensive lors du premier entraînement de la semaine des Esks.

Il dit qu’il lui a fallu un bon mois avant de cesser de penser au fait qu’il n’avait pas été à la hauteur lors du match de la Coupe Grey de l’an dernier contre Calgary. L’attente a été longue pour atteindre ce moment, celui de pouvoir franchir les premiers pas sur la route menant au championnat. Il a remporté les Coupes Grey à Toronto (2012) et à Ottawa (2016), mais les deux fois, c’était comme substitut. Il ne se contentera jamais de rien de moins qu’un titre de champion comme partant.

« La défaite au match de la Coupe Grey a été l’une des choses les plus difficiles à surmonter pour moi », a-t-il indiqué.

« Une fois que j’y suis parvenu, c’est devenu une source de motivation pour retourner au match de championnat et pour mener l’équipe dont je ferais partie à celui-ci. »

D’après un texte de Chris O’Leary publié sur CFL.ca.