9 avril 2020

Le livre de jeux : Complexe, mais essentiel au succès

MONTRÉAL – Malgré l’annonce faite cette semaine selon laquelle la saison ne pourra débuter avant le mois de juillet, les joueurs doivent poursuivre leur préparation afin d’être prêts à entrer dans le feu de l’action dès que les choses reviendront à la normale.

Pour nos athlètes, l’entraînement physique ne constitue qu’une partie de l’équation. Leur préparation mentale est tout aussi, sinon plus importante, sachant que dans quelques semaines seulement, ils recevront un tout nouveau livre de jeux qu’ils devront apprendre et maîtriser.

À ce temps-ci de l’année, les joueurs commencent généralement à se rassembler afin de préparer le terrain pour la saison avec quelques entrainements en groupe ou individuels. C’est un moment crucial de l’année pour les recrues et pour les équipes qui doivent apprendre de nouveaux systèmes. Par contre, face à l’incertitude du monde d’aujourd’hui avec la pandémie et l’isolement social qui s’ensuit, ils devront fort probablement effectuer une majeure partie de leur préparation virtuellement, par eux-mêmes. Mémoriser et maîtriser un livre de jeux est un défi en soi pour tout joueur de foot, mais potentiellement devoir le faire par soi-même à des centaines de kilomètres de ses coéquipiers et entraîneurs peut paraître comme une montagne insurmontable pour une recrue.

On s’est entretenu avec Vernon Adams Jr., Henoc Muamba et Eugene Lewis pour avoir leur perception sur la complexité d’apprendre un livre de jeux, et pour découvrir les trucs qu’ils utilisent pour l’imprégner dans leur mémoire.

Henoc Muamba, le vétéran secondeur des Alouettes, affirme que même si un joueur est fatigué en rentrant chez lui, à la suite d’un entraînement, c’est sa responsabilité d’étudier (MontrealAlouettes.com).

Malgré le fait qu’ils aient tous les trois une différente capacité et vitesse de traitement et rétention de l’information, le discours reste le même : apprendre un livre de jeux est une tâche difficile et demande des heures de travail assidu et énormément de discipline.

« C’est la responsabilité de chacun de réviser son livre par lui-même, même si on a à passer au travers ensemble plusieurs fois pendant nos rencontres », affirme Henoc. « C’est facile de retourner à la maison après une dure journée, d’aller s’allonger et relaxer le reste de la soirée. En tant que joueur, il faut être capable de se départir de cette paresse et d’être assez fort mentalement pour faire ses devoirs. »

Selon le quart-arrière des Alouettes de Montréal Vernon Adams Jr., les concepts de jeux sont similaires d’équipe en équipe (La Presse Canadienne).

Mais qu’est-ce qui rend cette tâche si compliquée? D’une part, aucun livre de jeux n’est identique.

« Les concepts restent relativement similaires à travers les équipes et les entraîneurs, mais il faut constamment s’habituer à la nouvelle terminologie », indique Vernon.

Ajoutant un niveau de complexité à ce jeu de mémoire est sans aucun doute l’énorme volume de variations qu’on peut retrouver pour un seul jeu. Selon Henoc, un jeu peut se décliner en plus d’une dizaine de variations, parce qu’ils doivent être en mesure d’anticiper et de réagir à toute décision prise par l’équipe adverse.

« C’est le plus gros défi d’être en défense », affirme Henoc. « Les meilleurs joueurs sont ceux qui sont capables de se rappeler des petits ajustements, des règles de chaque jeu et de s’adapter en fonction. »

Apprendre et mémoriser les différentes formations est une chose, mais les maîtriser au point où ça devient instinctif est ce qui sépare les bons joueurs des excellents athlètes.

« Quand tu es dans le caucus, tu dois pouvoir entendre le nom du jeu et savoir exactement où tu es censé aller et ce que tu es censé faire; tu n’as pas le temps de penser », ajoute Geno.

Mémoriser des centaines de pages peut sembler être une tâche insurmontable, mais avec les années, et pas mal d’essai-erreur, les joueurs développent leurs propres démarches pour que l’information reste gravée dans leur mémoire. L’association de mot et la visualisation font partie des techniques utilisées par nos trois joueurs. Vernon et Henoc expliquent aussi comment écrire et dessiner les jeux à répétition les aide à s’en remémorer.

« La répétition est mère de l’apprentissage », affirme Henoc. « Je réécris, redessine et répète chaque jeu inlassablement, jusqu’à ce qu’ils soient ancrés dans mon cerveau. Je rejoue chaque scénario dans ma tête avant de me coucher et si j’hésite, j’ouvre mon livre et je l’étudie à nouveau… même si j’en perds un peu de sommeil. »

Entamant sa dixième année en tant que professionnel, Henoc admet que ça devient plus facile quand ça fait plusieurs années qu’on est exposé au jargon du milieu. Pourquoi ?

« Même si les systèmes varient d’équipe en équipe, les concepts restent relativement similaires. Une fois que tu les as maîtrisés, ce qui peut prendre quelques années, il suffit ensuite de s’habituer à la nouvelle terminologie… aux différents noms. »

Le receveur des Alouettes Eugene Lewis préfère la méthode essai-erreur afin d’apprendre un nouveau livre de jeux (MontrealAlouettes.com).

Geno, lui, préfère apprendre un peu plus durement. Pour lui, le meilleur moyen pour graver un jeu dans la mémoire est de l’essayer pendant un entraînement et de le rater, tout simplement.

« Une fois que tu te trompes, tu ne répéteras plus cette bévue. On apprend de ses erreurs! »

Mais les gaffes n’arrivent pas que durant les entraînements. Malgré leurs années d’expérience et les innombrables heures passées à étudier, même les meilleurs peuvent complètement oublier la signification d’un jeu lors d’un moment crucial d’un match.

« On est humain et l’on entre tellement d’informations dans notre esprit. Nos cerveaux sont comme des ordinateurs… et même les ordis tombent en panne parfois, ça arrive », dit Geno en riant.

« Ce qui importe, ce n’est pas l’erreur que tu commets, mais plutôt la manière dont tu rebondis. Il faut que tu sois assez fort mentalement pour continuer à aller de l’avant. Vis dans le moment présent et concentre-toi sur ce qui compte à ce moment », ajoute Henoc.

Vernon Adams Jr. conclut avec quelques mots de sagesse destinés aux recrues :

« Quand tu franchis les portes de ton travail, peu importe ce qui se passe dans ta vie personnelle, tu dois être capable de laisser ça à la porte. Tu dois consacrer toute ton attention à ton boulot pour devenir la meilleure version de toi-même, et nous donner l’occasion de gagner en tant qu’organisation. »