University of Ottawa Athletics
EDMONTON – Quand les Eskimos d’Edmonton ont fait d’Alain Pae de la République tchèque le 13e choix au total du repêchage 2020 de la Ligue canadienne de football (LCF), plus d’un a levé les sourcils.
Bien qu’il ait été sur le radar de quelques équipes, Pae, un athlète de six pieds, quatre pouces et 240 livres, n’a pas joué au football depuis deux ans et a disputé seulement une saison, sa plus récente, au Canada.
Pae a quitté la République tchèque pour s’installer à Ottawa et a commencé à jouer au football, dans son pays d’origine, à l’âge de 22 ans. À titre comparatif, les autres espoirs admissibles au repêchage de la LCF avaient tous environ 22 ans et jouaient au football depuis de nombreuses années.
Donc, où est l’attrape?
Eh bien, les qualités athlétiques et la vitesse de Pae – il a obtenu un chrono de 4,65 secondes au sprint sur 40 verges et il a effectué un saut en longueur de 10 pieds deux pouces – sont les deux principaux éléments qui ont retenu l’attention des dépisteurs.
Le directeur général des Eskimos, Brock Sunderland, était au fait que trois équipes souhaitaient inviter le jeune homme originaire de Prague à leur mini camp et qu’une autre voulait l’ajouter à sa formation de 90 joueurs. Sunderland s’est donc assuré de rapidement mettre le grappin sur Pae, le repêchant en début de deuxième tour.
« Sa taille et ses habiletés athlétiques; il se démarque aisément des autres sur vidéo », a confié Sunderland. « Même quand ce n’est pas lui que nous étions en train d’évaluer, il se démarquait. Nous avons donc voulu l’évaluer plus en profondeur. »
« Il est explosif, et il est imposant. Il n’a pas joué au football depuis quelques années, nous en sommes conscients, mais il est en bonne condition physique et il s’est récemment remis au football. »
Pour Marshall Ferguson du CFL.ca, Pae fut « la plus grande surprise du repêchage 2020 ».
« Il s’est déjà beaucoup développé, en très peu de temps, depuis son départ de la République tchèque », a dit Ferguson.
« Lors de cette première saison au sein de U SPORTS – il se familiarisait avec le football à trois essais et était loin d’avoir atteint son plein potentiel –, il a été excellent. Du point de vue du ratio, il pourrait changer la donne comme ailier défensif. »
Pae, 27 ans, a peut-être commencé à jouer tardivement au football, mais la détermination et la discipline sont des traits qu’il a affichés toute sa vie. La gymnastique est l’un des sports les plus exigeants, et Pae était un excellent gymnaste, mais il est éventuellement devenu trop grand pour pratiquer son sport.
« J’ai été gymnaste pendant neuf ans, jusqu’à ce que j’aie une poussée de croissance vers la fin de l’adolescence; je suis devenu alors trop grand pour pratiquer la barre fixe », a-t-il dit. « Je devais trouver un autre sport. J’ai essayé et aimé le basketball, et j’ai aussi joué au soccer. Mais quand un ami m’a introduit au football, je suis tombé amoureux de ce sport. »
Son parcours comme gymnaste lui a évidemment rendu de fiers services sur un terrain de football. Sa flexibilité et son explosivité se sont manifestées dès le départ.
Grâce à son dévouement et à ses aptitudes physiques, Pae a appris à jouer au football en cinq ans (University of Ottawa Athletics)
Zach Harrod, l’entraîneur-chef des Lions de Prague, soutient que les habiletés athlétiques de Pae sont les premiers traits qu’il a remarqués chez lui quand il a commencé à jouer.
« Vous ne pouvez pas montrer ou enseigner à quelqu’un ce niveau d’habiletés athlétiques », a-t-il dit.
« Cependant, lorsqu’il a réalisé qu’il pouvait devenir bon, sa volonté de faire tout en son possible pour maximiser ses capacités s’est démarquée encore plus que ses aptitudes physiques. »
À sa toute première saison de football, il jouait presque comme un vétéran aux dires de Harrod. Évidemment, ses habiletés athlétiques ont facilité son processus d’apprentissage.
« Alain s’est acclimaté somme toute rapidement. Quand vous possédez cette combinaison de vitesse et de physique, ça compense l’apprentissage de certaines techniques ou de certaines nuances. »
Et il a appris rapidement, ça ne fait aucun doute. Lors de ses deux campagnes, en 2015 et en 2016, il a eu un impact sur son équipe. En 10 matchs, il a réussi 46 plaqués, dont trois plaqués pour des pertes de 86 verges, cinq sacs et huit pressions sur les quarts adverses. Dès son arrivée au Canada, il s’est joint au Gee-Gees de l’Université d’Ottawa, et son talent ne faisait aucun doute. Sa seule saison avec l’équipe, en 2017, fut couronnée de succès. Pae a réussi 25,5 plaqués et six sacs en huit matchs, en route vers une place sur l’équipe d’étoiles des recrues de la conférence Sports universitaires de l’Ontario (SUO).
Comme il n’avait raté le couperet que par quatre jours, il était persuadé de pouvoir compter sur une dernière année d’admissibilité. Malheureusement, il n’a pas eu gain de cause en appel. Ainsi, pendant 18 mois, il est devenu ce qu’il y a de plus près d’être un membre de l’équipe, sans en être réellement un. Il s’est entraîné avec les autres joueurs, qu’il encourageait le long des lignes de côté. Son rêve était de jouer dans la LCF, alors qu’il a continué à travailler fort. On aurait toutefois pu s’attendre à ce qu’il n’attire pas l’attention des équipes du circuit Ambrosie.
Mais il a tout fait pour que ce ne soit pas le cas.
L’agent de joueurs Rob Fry a communiqué avec Pae à la fin de la saison 2017. Il avait été impressionné par ses aptitudes sur le terrain et par ses capacités athlétiques, mais ce qui le frappait le plus, c’était sa persévérance.
« C’était évident, lors de sa seule saison avec les Gee-Gees, qu’Alain pouvait jouer », a dit Fry.
« Quand il a découvert qu’il n’avait plus d’année d’admissibilité, je me suis dit qu’il allait abandonner. Mais son désir de jouer et son incroyable détermination l’ont poussé à poursuivre son rêve. Il a commencé à envoyer des vidéos de ses entraînements aux équipes de la LCF, dans lesquelles il réalisait des mouvements incroyables. Les dépisteurs et les entraîneurs de la LCF ont assurément gardé un œil sur lui. »
Quand la COVID-19 a frappé et que les pays du monde entier ont commencé à fermer leurs frontières, Pae a suivi les traces de son père et est devenu citoyen canadien, le rendant ainsi admissible au repêchage de la LCF (University of Ottawa Athletics)
Pae avait essayé de faire partie de la cuvée de joueurs admissibles au repêchage mondial de la LCF, mais ce processus a été freiné en raison de la pandémie de COVID-19. Il a donc essayé une autre tactique. Son père était devenu un citoyen canadien naturalisé il y a quelques années; Pae en a donc profité pour lui-même demander à devenir citoyen canadien. Au début du mois d’avril, il a obtenu son passeport canadien et est ainsi devenu admissible au repêchage de la LCF.
Soudainement, sa valeur a grandement augmenté. Les neuf équipes de la LCF ont commencé à lui démontrer de l’intérêt. Même les Falcons d’Atlanta, dans la NFL, ont voulu l’inviter à un mini-camp.
Fry a été impressionné par sa volonté de jouer.
« Sa ténacité est plutôt impressionnante. Le tout, combiné à sa grandeur, à sa force physique et à la longueur de ses bras, a mené les équipes à vouloir prendre un risque », a-t-il dit.
Brett Morgan est un dépisteur chez les Stampeders de Calgary. Il a aussi été entraîneur en Europe. Il était bien au fait de Pae lorsque celui-ci jouait à Prague.
« Je connais son entraîneur Zach Harrod, et je savais à quel point il l’admirait. Avec la possibilité qu’il devienne citoyen canadien, j’ai continué à me tenir informé sur lui et sur son développement. Il est un bon espoir. Nous (Calgary) avons repêché un ailier défensif au premier tour, mais Pae a des atouts comme pourchasseur de quarts. »
Sunderland est plus que satisfait de son choix, et, naturellement, il a des plans pour Pae, comme il l’a expliqué à station de radio TSN 1260 plus tôt cette semaine.
« Il est très compétent. C’est en grande partie pour cette raison que nous l’avons choisi. Avec les nombreuses conversations que nous avons eues avec lui et avec les gens autour de lui, nous savons qu’il aime le football », a dit Sunderland.
« Il est parti de Prague et s’est rendu à Ottawa pour y arriver, et il est demeuré en excellente condition physique… La condition physique dans laquelle il est en ce moment démontre très bien le type d’athlètes qu’il est et à quel point il veut jouer au football chez les professionnels. »
« Je sais que des personnes que je connais dans la NFL avaient un intérêt envers lui. Si nous ne nous trompons pas sur la personne et sur le joueur que nous avons repêché, nous pensons qu’il se présentera à Edmonton avec la bonne attitude et prêt à compétitionner. »
Selon Sunderland, Pae, malgré son âge, n’a pas besoin de jouer dès maintenant.
« Nous avons déjà énormément de profondeur sur notre ligne défensive en ce qui a trait aux joueurs canadiens. Nous ne sommes donc pas dans une situation où nous voulons risquer de bousculer son développement », a-t-il indiqué à TSN 1260.
« Son principal atout, selon nous, est qu’il aura la chance de devenir un joueur extrêmement explosif. Il est gros, mais il possède une rare explosivité, et nous croyons que son talent n’a aucune limite. Nous pouvons être patients et ne rien brusquer. Nous croyons qu’avec son potentiel, que le joueur qu’il peut devenir, ça en valait le risque. »
Tout ce que Pae veut, maintenant, c’est sauter sur le terrain.
« Ç’a été toute une aventure jusqu’à maintenant, je suis reconnaissant envers les Eskimos d’Edmonton pour leur opportunité », a-t-il dit. « Maintenant, je veux sauter sur le terrain et leur prouver qu’ils ont pris la bonne décision. »