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2 juillet 2020

Les statistiques ne font pas foi de tout pour les demis défensifs

Johany Jutras/LCF.ca

TORONTO – Quand vient le temps de décider quels joueurs de la Ligue canadienne de football (LCF) sont les meilleurs, toutes positions confondues, les statistiques sont toujours mises de l’avant. On évalue les demis offensifs par leur nombre de saisons de 1000 verges au sol, les quarts-arrière par leur quantité de verges par la passe et par leur ratio de passes de touché et d’interceptions, et les receveurs par leur total d’attrapés et de verges sur des réceptions.

Mais quand il faut décider quels demis défensifs devraient faire partie de l’équipe de la décennie, présentée par LeoVegas, les statistiques ne font pas foi de tout.

Prenons l’exemple de Jovon Johnson, qui a réussi 26 interceptions entre 2010 et 2019 en évoluant à Winnipeg, à Ottawa, à Montréal et en Saskatchewan. En 2011, il a réussi un sommet personnel de huit interceptions, dont deux retournées pour des touchés. Cette année-là, il a été nommé joueur défensif par excellence de la Ligue, et il a obtenu sa première – et seule – nomination au sein de l’équipe d’étoiles de la LCF.

Par la suite, Johnson n’a jamais réussi plus de cinq interceptions en une saison (2015). Mais ce n’est pas en raison d’une baisse de régime ou d’un manque de talent : les clubs ont simplement appris à le connaître.

« Regardez le nombre de fois où les quarts-arrière ont choisi de lancer vers un autre joueur », a confié Byron Parker, qui a joué pendant neuf ans dans la LCF, avec Toronto, Edmonton, la Colombie-Britannique et Montréal.

En quatre campagnes avec les Tiger-Cats de Hamilton, Delvin Breaux ne compte que deux interceptions. Mais l’ancien quart-arrière des Lions, Travis Lulay, soutient qu’il ne faut pas laisser ce total nous berner.

« Je me souviens d’un match, il y a quelques années, où nous avions décidé de ne pas essayer de lancer le ballon dans la zone couverte par Breaux, puisque nous sentions qu’il ne s’agissait pas d’une confrontation avantageuse », a dit Lulay. « Il n’a donc pas connu un grand match contre nous, d’un point de vue des statistiques, mais c’est parce qu’il faisait son travail vraiment bien. »

Breaux aime bien raconter à la blague la fois où il a dit à sa mère qu’il avait volontairement écopé d’une pénalité afin que les spectateurs soient au courant qu’il était bel et bien sur le terrain.

Si les passeurs adverses ne lancent pas de ballon dans sa direction, Breaux sait qu’il doit faire son travail correctement.

« Je fais mon travail », a-t-il dit. « Je ne me frustre pas, parce qu’à un certain point de la partie, un rival me testera. Vous devez être prêt. Je garde toujours ma concentration sur le terrain. »

Plusieurs facteurs contribuent aux succès d’un demi défensif.

Le type de formation employée par un coordonnateur défensif, par exemple, donne parfois plus de chances à certains joueurs de se démarquer en réalisant de gros jeux.

« La défense dont je faisais partie me permettait de réaliser certains jeux lors de certaines passes », a dit Parker, qui a réussi neuf interceptions et 153 plaqués défensifs entre 2010 et 2019.

Lulay prétend que les demis défensifs qui effectuent davantage une couverture de zone ont de meilleures statistiques au chapitre des interceptions grâce au fait qu’ils ont les yeux rivés sur le quart-arrière adverse et sur l’ensemble des joueurs sur le terrain. Les joueurs qui effectuent une couverture homme à homme ont avant les yeux rivés sur un receveur.

Ainsi, un joueur comme Breaux comptera moins d’interceptions que Keon Raymond, qui a réussi 25 interceptions en effectuant généralement une couverture de zone lorsqu’il évoluait avec Calgary et Toronto.

Les demis de coins du côté large sont aussi moins sollicités que leurs coéquipiers jouant du côté court.

« Il y a peu de passes décochées de ce côté-là du terrain », a dit Parker. « Seulement quelques quarts-arrière vont tenter ces passes. »

Les joueurs autour de vous peuvent également faire une énorme différence. Parker pense à Dante Marsh et à Korey Banks, qui ont évolué ensemble dans la tertiaire des Lions.

« Ce sont des légendes », a-t-il dit. « Ils ont joué ensemble pendant si longtemps que Korey permettait à Dante de réussir certains jeux et vice-versa. »

Jovon Johnson a été nommé joueur défensif de la LCF en 2011 (Johany Jutras/LCF.ca)

Une statistique à laquelle on n’accorde parfois pas suffisamment d’importance est le nombre de passes rabattues par un joueur.

« Parfois, une passe rabattue est mieux qu’une interception; ça dépend de l’endroit où vous vous trouvez sur le terrain », a dit Parker. « Si vos adversaires sont à leur ligne de 10 verges, qu’ils tentent une longue passe et que celle-ci est interceptée, ça revient au même qu’un botté de dégagement. Si cette passe est rabattue, ça peut entraîner un touché de sûreté ou un botté de dégagement bloqué. »

« En couverture, je choisirais un joueur qui peut éliminer une cible et empêcher des passes d’être complétées avant un joueur qui se fait battre souvent, mais qui est bon pour jouer le ballon », a pour sa part dit Lulay.

Jonathan Hefney n’était pas un chasseur de ballon, mais il a tout de même joué un rôle crucial au cours de ses séjours à Winnipeg et à Montréal.

« Il était un plaqueur exceptionnel », a dit Parker. « Il n’était peut-être pas le meilleur en couverture, mais il était un monstre pour plaquer et pour rattraper des adversaires. »

Quelqu’un comme Ryan Phillips, qui a passé l’ensemble de sa carrière en Colombie-Britannique, était beaucoup plus cérébral.

« Il jouait avec finesse », a dit Parker. « Il accumulait les passes rabattues, et il était bon en couverture. Il pouvait tout faire. »

Pour Lulay, la tête est souvent plus importante que les muscles.

« Les meilleurs demis défensifs sont les plus intelligents », selon lui. « Ils savent quand prendre des risques, ils savent quand appliquer de la pression. »

« Certains sont de vrais opportunistes. Vous pouvez remarquer quels demis défensifs sont sur le terrain pour faire leur travail, et lesquels sont sur le terrain pour réussir des jeux. »

Breaux soutient que chez les professionnels, tous les demis défensifs sont talentueux. Ce qui rend certains d’entre eux meilleurs, ce sont leur éthique de travail et leur approche mentale face au football.

« Celui qui est le premier arrivé et le dernier à partir », a-t-il dit. « Celui qui regarde constamment des vidéos et qui effectue des exercices supplémentaires à fin des entraînements, quand tout le monde est parti. Il ne fait pas qu’assister aux entraînements; il a un objectif précis en y participant. »

« C’est ce joueur qui aura la coche de plus, et qui deviendra meilleur que la moyenne. »

D’après un texte de Jim Morris publié sur CFL.ca.