MONTRÉAL – Quand un dirigeant d’équipe dit avoir fait un choix déchirant en décidant d’y aller avec un partant plutôt qu’un autre, ce n’est pas toujours sincère. Quand Danny Maciocia a expliqué jeudi les raisons qui l’ont poussé à choisir Davis Alexander aux dépens de Cody Fajardo et à quel point cette décision avait été difficile à prendre, on a tout de suite su que le directeur général des Alouettes de Montréal disait vrai.
Maciocia trime sur ce dossier depuis quelque deux mois, visionnant chaque entraînement du club — auxquels il avait déjà assisté — dans son bureau du Stade olympique. Chaque jour, il voyait dans quelle direction il penchait. Mais l’entraîneur-chef Jason Maas est une personne des plus loyale. Il sentait qu’il aurait peut-être à le convaincre. Après tout, Fajardo, que Maas a dirigé pendant cinq saisons, venait de lui procurer une coupe Grey il y a un an à peine.
«Jason c’est quelqu’un de très loyal. Quand t’embarques avec lui, tu embarques jusqu’à la fin, a indiqué Maciocia. Tout le monde qui fait partie de ce vestiaire, il aimerait les garder année après année, mais il sait que c’est impossible. Quand on a regardé les deux dossiers, on les a évalués comme il faut. (…) Ça nous a aussi donné l’opportunité de discuter de l’avenir. Quand on regarde un jeune quart sept ans plus jeune, moins meurtri, qui est prêt à s’engager pour trois saisons, avec tout ce qu’on sait sur lui, (…) la décision devient un peu plus facile.»
Restait maintenant à l’annoncer à Fajardo, pour qui Maciocia a énormément de respect.
«On est en train de vivre la même situation que les Lions [de la Colombie-Britannique] ont vécue, avec deux quarts qui touchent un salaire de partant. Mardi, Cody et moi avons parlé en détail. Il comprend la situation. Il comprend comment nous en sommes venus à cette décision, mais surtout, nous allons faire ce qu’il y a de mieux dans les prochains jours pour Cody Fajardo, car j’ai énormément de respect pour lui. J’ai énormément de respect pour ce qu’il a fait pour cette organisation.
«C’est un quart à qui on a dit qu’il ne pouvait plus être partant et qui est venu ici, qui a gagné plusieurs matchs, qui a gagné la coupe Grey et qui a été le joueur par excellence de cette Coupe Grey. Je serai toujours reconnaissant envers lui. C’est pourquoi je veux tout faire pour l’aider.»
Même au détriment des Alouettes.
«Je lui ai dit que je voulais faire ce qui était le mieux pour lui; qu’il devait me dire ce qu’il voulait. Il dit être encore un quart no 1 dans cette ligue et je le crois aussi. Malheureusement, il n’y a que neuf équipes dans cette ligue. S’il y en avait 10, il serait le partant quelque part. Sans savoir ce qui se passe dans les autres organisations, nous allons l’aider. Si une opportunité ne se présente pas, nous devrons avoir une autre conversation. Mais nous n’avons pas parlé de restructurer son contrat, ou quoi que ce soit d’autre, outre que nous voulons faire ce qu’il y a de mieux pour son avenir.
«Les options [pour Fajardo] sont de regarder ailleurs, peut-être de rester ici, ou encore de prendre sa retraite même, a ajouté le DG. Mais c’est tellement frais. Ce n’est jamais facile. C’est toujours bien de prendre quelques jours et de voir ce que l’avenir nous réserve. On va ensuite s’asseoir et prendre la meilleure décision pour Cody Fajardo, pas pour les Alouettes de Montréal.»
Fajardo s’est amené avec les Alouettes avant la saison 2023. En deux campagnes, il a complété 585 de ses 807 passes pour 6952 verges et 30 touchés, contre 19 interceptions. Il a ajouté 618 verges et six touchés en 108 courses. Son taux de passes complétées de 73,6 % a été le meilleur de la LCF cette saison. À ces statistiques, il faut ajouter la conquête de la Coupe Grey 2023, où il a été élu joueur par excellence de la grande finale.
Cette saison, Fajardo a dû négocier avec des blessures aux ischio-jambiers et aux côtes qui l’ont empêché de connaître une aussi bonne deuxième saison. Le parcours de l’équipe s’est conclu en finale de l’Est, avec une défaite crève-coeur de 30-28 aux mains des Argonauts de Toronto dans un match au cours duquel les Alouettes ont commis cinq revirements.
Mais même une deuxième conquête en autant de saisons ne lui aurait pas permis de garder son poste de partant à Montréal.
«Je me suis mis dans une situation difficile pendant ce processus, a expliqué Maciocia. Je me suis dit: ‘Si on gagne contre Toronto, qu’on va à la Coupe Grey, qu’on bat Winnipeg et que Cody est le joueur par excellence, qu’est-ce que je vais faire?’ Même dans tout ce scénario, le scénario le plus difficile qui soit, (…) ce serait difficile de ne pas faire ce que nous sommes en train de faire avec Davis aujourd’hui. C’est un jeune qui a probablement huit à 10 ans devant lui, contrairement à un scénario où on s’est fait dire que ce serait probablement une année à la fois.»
Maciocia a donc parié sur le long terme, mais surtout, il s’en remet à son équipe de dépisteurs, qui ont déniché Alexander dans un petit programme à l’Université Portland State, et à ses opérations football qui ont fait croître Alexander depuis trois ans. À Maas et au coordonnateur à l’attaque et entraîneur des quarts, Anthony Calvillo, de le peaufiner maintenant.
Difficile de se trouver en meilleures mains.