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10 mai 2025

Le football; une bouée de sauvetage devenue un tremplin pour Duclervil

Collège St-Jean-Vianney

MONTRÉAL – De Montréal à Ottawa, en passant par Haïti, la jeunesse de Garlins Duclervil n’a pas été de tout repos.

Alors qu’il s’apprête à participer au camp d’entrainement des Alouettes de Montréal en tant qu’entraineur invité – dans le cadre du programme Diversité au football de la Ligue canadienne de football (LCF), présenté par Securian Canada –, je me suis entretenu avec lui pour en apprendre davantage sur son parcours unique et sur la façon dont celui-ci a forgé l’homme qu’il est aujourd’hui.

Faisant partie d’une famille de cinq enfants élevés par une mère monoparentale, le jeune Duclervil a souvent déménagé lors de son jeune âge. Né à Montréal, il est parti vivre en Haïti après le décès de son père. Après quelques années dans le pays natal de ses parents, il est revenu au Canada pour vivre avec sa mère, qui s’était établie à Ottawa.

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Alors que celle-ci occupait deux emplois pour subvenir aux besoins de sa famille, Duclervil et ses frères ont rapidement été exposés aux activités illicites du quartier défavorisé dans lequel ils vivaient.

« Il y avait de la criminalité, de la drogue, de la prostitution », se remémore Duclervil. « Ma mère avait deux emplois, donc j’avais beaucoup de temps sans supervision, avec mes frères. Mes influences, ce n’étaient pas nécessairement les bonnes influences. »

C’est à un moment où il sentait qu’il avait besoin de direction pour se défaire des tendances destructrices de son environnement que Duclervil a choisi de se tourner vers le football.

Ayant toujours aimé regarder ce sport à la télévision, il a décidé de s’y inscrire, dans l’espoir de s’éloigner des mauvais choix qu’on peut faire lorsqu’on traine dans la rue. Mais il a dû le faire à l’insu de sa mère, qui préférait que son fils reste le plus possible à la maison, pour le protéger des mauvaises influences du quartier.

« Mon grand frère, qui avait plus de 18 ans, m’a accompagné lors de mon inscription. Ma mère n’était même pas au courant! Elle avait peur que je tombe dans un environnement avec de mauvaises influences. Elle préférait me garder à la maison, plutôt que de ne pas savoir où j’étais. »

Très vite, Duclervil a commencé à comprendre que le football pourrait être bien plus qu’un simple passe-temps pour lui.

« Je me suis vite rendu compte que le football pouvait peut-être être ma porte de sortie. Je me disais ‘si je veux vraiment m’en sortir, si je veux réussir, ça va passer par le football’. »

Mais il y avait un problème : le football est un sport qui est intimement lié au parcours scolaire, et Duclervil n’était pas à son meilleur sur les bancs d’école, si bien qu’il a même momentanément décroché à l’école secondaire.

Collège St-Jean-Vianney

Voyant toujours le football comme sa porte de sortie, il a tout de même décidé de terminer ses études secondaires et est parvenu à rejoindre les Cougars du Collège Champlain-Lennoxville. Là-bas, il a pris une année supplémentaire pour terminer son parcours collégial, et il est parvenu à se faire recruter par les Carabins de l’Université Montréal.

À Montréal, une tuile lui est cependant tombée sur la tête.

« J’ai vraiment voulu abandonner après le décès de mon frère. Ç’a été des moments très difficiles. Les entraineurs Marc Santerre et Paul-Eddy Saint-Vilien ont été des influences très positives pour moi. Ils m’ont guidé et ils m’ont ramené sur le droit chemin. »

Malgré cette épreuve et des difficultés dans les salles de cours, Duclervil s’est donc ressaisi et a été en mesure de compléter un diplôme en intervention jeunesse, en parallèle de sa carrière au football.

« Avec mon expérience de vie, tout ce que j’avais vécu, c’était un peu ma seule vocation. C’est la seule chose qui me parlait. Pendant que je complétais ce programme-là, ce sont les seuls moments où ça allait bien, où j’ai éprouvé du plaisir à l’école. Je plaçais des mots et des termes sur des trucs que je connaissais déjà, sur des trucs que j’avais vécus. »

« En raison de mon parcours, je me voyais comme quelqu’un qui pouvait encourager les jeunes à ne pas nécessairement faire certains des choix que j’avais faits ou à trouver leur passion, leur vocation. »

Après sa carrière de joueur chez les Carabins, Duclervil a vite entamé un parcours d’entraineur. De 2014 à 2019, il a été le responsable de ligne défensive des Carabins. Il est ensuite passé par le collège Ahuntsic, avant d’être nommé entraineur-chef du Collège St-Jean-Vianney en 2024.

Jusqu’à l’an dernier, Duclervil conjuguait sa carrière d’entraineur à celle d’intervenant jeunesse. Même s’il ne veut pas établir de lien direct entre ses deux emplois, Duclervil y voit tout de même quelques points en commun.

« J’essaie de garder les deux séparés, parce que ce n’est pas nécessairement la même clientèle. Mais je me suis rendu compte que ça revient quand même à parler à des jeunes, à les accompagner. Au football, notre relation se limite au sport, mais je suis capable de cibler quand un jeune ne va pas bien. Souvent, les problèmes se ressemblent. »

C’est donc tout naturellement que Duclervil a été intéressé par le programme Diversité au football, qui rejoint plusieurs des valeurs qu’il véhicule au quotidien.

« Pour moi, la diversité est une valeur personnelle. Tout le monde a droit à son occasion, peu importe qui tu es ou d’où tu viens. En plus, ça me donnait la chance d’être entraineur au niveau professionnel. Je crois que c’est peut-être ma prochaine vocation. Je veux voir si je peux coacher à ce niveau-là, et aussi voir si je peux ramener ce que je vais apprendre à mes jeunes au secondaire. »

« Quand j’ai rencontré les autres participants au programme via visioconférence, j’ai trouvé ça cool de voir des femmes, des gens de plein de milieux différents, avec un but commun. Ça fait partie du football; tu rassembles plein de personnes de nationalités différentes, avec des parcours différents, mais qui partagent le but commun de gagner et de s’amuser. »

Même s’il espère que son parcours le mènera éventuellement à être entraineur chez les professionnels – et que sa participation au camp des Alouettes lui ouvrira potentiellement des portes –, Duclervil est heureux de sa situation au Collège St-Jean-Vianney, et il a hâte de continuer à bâtir quelque chose avec « ses jeunes ».

« J’espère que mon futur sera chez les pros, mais je veux continuer à bâtir quelque chose à Saint-Jean-Vianney. On était en division 3, maintenant on est en division 2. Si les pros doivent attendre, c’est avec ce programme-là que je vois mon futur. »