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25 mai 2020

Des Lions de Bergamo à la Coupe Grey : Maciocia en Italie

The Canadian Press

MONTRÉAL – Le directeur général des Alouettes de Montréal Danny Maciocia n’aurait jamais cru que ses origines italiennes lui feraient vivre l’une des expériences d’entraîneurs les plus satisfaisantes de sa carrière.

Lui qui a remporté la coupe Grey avec les Eskimos d’Edmonton (2005), la carrière d’entraîneur de Maciocia s’échelonne sur trois décennies et inclut un titre national U SPORTS en 2014 avec les Carabins de l’Université de Montréal. Mais sa fluidité avec la langue italienne l’a mené à un autre succès.

Où utiliseriez-vous l’italien pour diriger une équipe de football?

En Italie, bien sûr…

En Italie?

L’homme originaire de Montréal et âgé de 53 ans a des racines implantées dans un petit village du nom de Canalupo, en Italie. Ses parents ont immigré à Montréal dans les années 1960.

« Canalupo est une ville d’à peu près 600 habitants, située entre Naples et Rome », a dit Maciocia. « Mes parents ne parlaient que l’italien chez nous, lorsque j’étais plus jeune. Alors je parlais l’italien à la maison et le français et l’anglais à l’extérieur de mon domicile familial. »

Maciocia était en compagnie du co-propriétaire des Als Gary Stern (au centre) et du président de l’équipe Mario Cecchini (à gauche), au début de l’année 2020 (The Canadian Press).

En 1998, alors qu’il était un entraîneur adjoint avec les Alouettes de Montréal, sous les ordres de Dave Ritchie, Maciocia a été approché par Mario Rende, le DG des Lions de Bergamo, qui évoluaient dans la Ligue italienne de football.

Rende, lui qui avait évolué sous les ordres de Ritchie en 1989, avec les Seamen de Milan, était à la recherche d’un entraîneur-chef qui pouvait élaborer un bon mélange de valeurs nord-américaines et européennes/italiennes.

« J’avais entendu parler de cet entraîneur canadien qui avait dirigé en France et qui parlait couramment le français et l’italien », a dit Rende. « Je suis donc entré en contact avec lui. »

« Je recherchais quelqu’un qui non seulement pouvait s’exprimer en italien, mais qui pouvait aussi comprendre la culture du pays, tant sur le terrain qu’à l’extérieur de celui-ci. »

Après avoir dirigé les Cougars de St-Léonard dans la Ligue canadienne de football junior, en plus des U-19 québécois en 1995, Maciocia est devenu l’entraîneur-chef des Iron Mask de Cannes dans la division I française. Durant cette saison, Maciocia a pu entrer en contact avec Rende.

« C’était vraiment la réalisation d’un rêve que de revenir à mes racines italiennes et de pouvoir en plus travailler dans le sport que j’aimais », a dit Maciocia.

Dès son arrivée au printemps 1998, il a dû vivre avec les différences culturelles.

« Ces athlètes n’étaient pas payés et nous nous entraînions deux fois par semaine de 20 h 30 à 23 h », a dit Maciocia. « Il y a des gars qui venaient de plus loin dans le pays. Alors pour eux, l’entraînement commençait autour de 20 h 30. Il fallait que je change ça. Si vous arriviez à l’heure, c’est que vous êtiez en retard. »

Rende était satisfait.

« Danny était strict, mais le fait qu’il parlait l’italien et qu’il comprenait les joueurs étaient énormes », a dit Rende.

« Plusieurs entraîneurs ne sont pas confortables avec l’approche italienne, mais Danny a tout de même pu trouver un terrain d’entente sans toutefois manquer de discipline. »


 
Maciocia a amené avec lui deux joueurs qui finiront par avoir un impact majeur durant son séjour à la barre de l’équipe italienne : Dan Crowley, un quart-arrière substitut avec les Alouettes et Tyrone Rush, un ancien demi offensif des Redskins de Washington et qui avait aussi évolué pour les Als.

« Dan et Tyrone ont été importants pour moi », a dit Maciocia. « Ils ont beaucoup aidé les joueurs italiens, leur enseignant le football, mais aussi la culture du sport. »

Rush, lui qui est maintenant propriétaire de sa propre agence de sécurité en Californie, Rush Factor Elite, évoluait pour les Redskins avant de subir une blessure en 1994 qui l’a redirigé vers Montréal en 1996, jouant derrière Mike Pringle, lorsqu’il a rencontré Maciocia. Il n’avait pas réussi les tests physiques et il croyait que sa carrière au Canada était terminée. Toutefois, les Dragons de Barcelone dans la NFL Europe l’ont appelé en 1997. Encore une fois, il n’a pas réussi les tests physiques. Cette fois-là, il croyait vraiment que sa carrière de football était terminée. Il s’est donc rendu en Californie pour travailler à Sony Studios. Par la suite, il a reçu l’appel de Maciocia lui demandant s’il voulait venir jouer au football en Italie.

En Italie?

« Danny a dit qu’il dirigeait une équipe en Italie et il m’a demandé de le suivre, pour un salaire modique, mais pour beaucoup de temps de jeu », a dit Rush. « Je ne savais pas du tout que l’on pratiquait ce genre de football en Italie, mais puisque c’était Danny et que j’avais une autre chance de jouer, j’ai dit oui. »

Le recrutement de Maciocia ne s’est pas arrêté là. Il a aussi fait appel à Crowley, lui qui avait été un quart substitut pour les Alouettes en 1996 et en 1997. Lui qui était, à ce moment-là, le directeur associé senior du développement athlétique à l’Université Towson, Crowley garde de bons souvenirs de Maciocia et de l’Italie.

« Danny m’a appelé et m’a dit qu’il s’en allait en Italie en tant qu’entraîneur-chef et qu’il voulait que je le suive là-bas », a dit Crowley. « Je n’avais jamais entendu parler de football en Italie et, à cette époque, avec presque pas d’accès à internet, je ne pouvais pas faire mes recherches sur le sujet. »

« Puisque c’était Danny, j’ai dit oui. Puisque la saison avait lieu de février à juin, je savais que j’aurais le temps de revenir pour la saison de la Ligue canadienne de football (LCF). »

Deux des postes clés étaient maintenant comblés. Maciocia est donc allé au travail pour combler les autres positions de l’équipe. Avec Crowley et Rush qui agissaient comme des adjoints à l’entraîneur-chef, apprenant la culture du football nord-américain à des joueurs italiens qui avaient évolué dans ce sport toute leur vie, Maciocia a pu construire une solide unité. Les Lions ont amorcé la saison… en lion, terminant la campagne avec une fiche de 7-3, avec Rush qui dominait l’attaque au sol, jusqu’à ce qu’un règlement mystérieux empêche les joueurs « professionnels » de jouer. Peu importe, la formation de Maciocia a remporté le titre italien cette année-là.

Non seulement les améliorations provenaient du terrain, mais Maciocia ne connaissait pas les coutumes italiennes du football qui, éventuellement, l’ont aidé à former une équipe tissée serrée. L’une de celles-ci était le repas d’après-match qui comprenait les joueurs, les entraîneurs et les familles, dans un restaurant local.

« Je n’avais jamais rien expérimenté de tel avant et je ne vivrai plus jamais cela, sauf si je retourne en Italie», a dit Maciocia.

« Nous nous emparions des lieux avec 60 à 70 personnes. Nous étions vraiment une grande famille. »

Rush et Crowley ont été très impressionnés par la passion et l’engagement des joueurs italiens.

« Je n’ai jamais vu des joueurs de football avoir autant de passion que mes coéquipiers italiens », a dit Rush. « Ils s’entraînaient très longtemps, mangeaient et rentraient à la maison et quelques-uns d’entre eux voyageaient une heure ou plus pour se rendre chez eux. »

« Et ils nous posaient plusieurs questions. Ils avaient soif d’apprendre. C’était incroyable! »

Crowley était aussi très impressionné.

« J’étais subjugué par l’engagement de ces joueurs », a-t-il dit. « Ils avaient une incroyable éthique de travail et ils aspiraient toujours à en savoir plus sur le football. Ils nous ont aussi adoptés, nous faisant une grande place dans leurs cœurs. Nous faisions partie de la famille et nous y avons fait des amis pour la vie. Nous sommes encore en contact à ce jour. »

« Je n’avais jamais rien expérimenté de tel avant et je ne vivrai plus jamais cela, sauf si je retourne en Italie »

– Danny Maciocia, DG des Alouettes de Montréal 

Les Lions ont remporté deux championnats italiens de suite sous les ordres de Maciocia. L’équipe est devenue une dynastie dans le football européen avec Rende comme DG, alors que Bergamo est allé chercher neuf autres titres d’affilée – trois autres avec Rush qui a joué en Italie jusqu’en 2001 —, en plus de remporter trois championnats européens. Pendant les deux saisons de Maciocia, Bergamo n’a perdu que trois matchs, alors que l’équipe est devenue une famille. C’est l’une des leçons que Maciocia a ramenées d’Italie.

« Diriger Bergamo m’a donné l’occasion de construire quelque chose et d’y appliquer des idées que j’avais notées d’autres entraîneurs comme Peter Vaas et Davie Ritchie », a dit Maciocia.

« Cette expérience m’a beaucoup aidé lorsque j’ai pris la tête des Eskimos en tant qu’entraîneur-chef. Bien sûr, Ty et Dan, deux joueurs incroyables, et la passion des joueurs italiens ont fait une énorme différence. »

Est-ce qu’il y retournerait?

« J’adorerais retourner diriger en Italie », a dit Maciocia. « Je visite souvent et j’essaie toujours d’aller voir quelques matchs lorsque j’y suis. Le niveau est très bon et c’est amusant à regarder. »

Pour le moment, bien sûr, Maciocia se concentre sur les Alouettes et son objectif est de ramener l’équipe à la Coupe Grey. La dernière présence montréalaise au match ultime remonte à 2010.

D’après un article de Roger Kelly, paru sur CFL.ca