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25 mai 2022

L’héritage de Norman Kwong bien présent au Canada

Mike Sturk/LCF.ca

TORONTO – Norman Kwong a connu une enfance modeste, voire – 90 ans plus tard – cruelle.

Grandissant à Calgary dans les années 1930, il voyait les enfants se rendre au parc situé sur le dessus de la montagne de la rue Centre. Il les entendait s’amuser dans la pataugeoire, où leurs cris et leurs rires étaient transportés par l’air chaud de l’été, créant des souvenirs qui allaient les suivre toute leur vie.

Kwong ne faisait que les entendre. Il n’avait pas le droit de se joindre à eux.

« J’ai toujours voulu aller patauger dans la piscine, mais je n’ai jamais eu la permission parce qu’elle était réservée aux blancs », il a déjà mentionné au Calgary Herald, dans un article publié le 6 septembre 2016, peu de temps après son décès, à l’âge de 86 ans.

« Il n’y avait aucune pancarte », avait raconté Kwong au Herald. « C’était comme ça, c’est tout. »

Normie Kwong a été une puissance dans la LCF pendant 12 saisons, prenant sa retraite avec plus de 30 records du circuit à son actif en 1960 (The Associated Press)

Les obstacles systémiques peuvent détruire des gens et changer le cours de leur vie. Ils peuvent les laisser blasés ou leur donner l’impression qu’ils n’ont pas leur place dans le monde dans lequel ils vivent. C’est le but; c’est ce qu’ils sont censés faire. Miraculeusement, Kwong n’a pas été découragé par le racisme qui l’a entouré tout au long des premières années de sa vie. Il a d’abord conquis les amateurs de sport canadiens comme l’un des plus grands joueurs que la LCF n’ait jamais connus, puis il a conquis sa province et son pays d’origine en tant qu’homme d’affaires, dirigeant sportif et, finalement, lieutenant-gouverneur de l’Alberta, imposant le respect au Canada et à l’étranger.

Son parcours au football est à lui seul remarquable. Mais son parcours de vie est beaucoup plus gros, et beaucoup plus important.

« C’était difficile d’être différent. On se moquait de moi à l’école, et on voulait souvent s’en prendre à moi », a dit Kwong au Herald.

« Ce n’était pas toujours négatif. J’ai eu une enfance plutôt heureuse, mais, parfois, c’était un peu plus difficile. »

Kwong a grandi dans un Canada qui a refusé la citoyenneté aux Canadiens d’origine chinoise et qui ne les a pas laissé voter avant 1947.

Il a découvert le football à l’école secondaire Western Canada, et il a évolué chez les juniors avec les Blizzards de North Hill. Le petit, robuste et fort centre-arrière s’est joint aux Stampeders de Calgary en 1948. En tant que recrue, à 18 ans, il est devenu le plus jeune joueur à remporter la Coupe Grey, un exploit qui a émerveillé l’ancien premier ministre Steven Harper lors du service commémoratif de Kwong.

Un conflit contractuel a fait passer Kwong de Calgary à Edmonton, juste à temps pour se joindre à une dynastie dans la province albertaine, où il a évolué pour les clubs champions de la Coupe Grey de 1954 à 1956.

Quand il a pris sa retraite du football, en 1960, il détenait 30 records de la LCF et il avait été nommé joueur canadien par excellence de la LCF à deux reprises. Il a été nommé athlète canadien de l’année en 1955, remportant cet honneur devant son coéquipier et légendaire quart-arrière d’Edmonton Jackie Parker et les vedettes de la LNH Gordie Howe et Maurice Richard.

Lorsque Kwong s’est éloigné du sport qu’il a dominé, son histoire ne faisait que commencer. Il s’est lancé dans l’immobilier commercial et a travaillé comme agent de change. Il est resté impliqué dans la communauté de Calgary, en tant que président honoraire de la campagne du timbre de Pâques et en tant que président national du Conseil consultatif canadien sur le multiculturalisme de 1979 à 1980.

En 1980, il a fait partie du groupe de propriétaires qui a amené les Flames à Calgary, un rôle qu’il a occupé jusqu’en 1994, faisant partie de la seule victoire de la Coupe Stanley des Flames en 1989. Le football l’a appelé à nouveau, et, en 1988, il est devenu président et directeur général des Stampeders. Avant de quitter ce rôle, en 1992, il avait guidé la franchise pour laquelle il avait autrefois joué à travers des difficultés financières et avait remis l’équipe sur la voie de la victoire sur le terrain.

En tant que lieutenant-gouverneur de l’Alberta, Kwong a été sacré chevalier de l’ordre de Saint Jean par la reine Elizabeth II en 2005 (La Presse Canadienne)

En 2005, il a été nommé lieutenant-gouverneur de l’Alberta et premier lieutenant-gouverneur d’origine asiatique. Un dénouement incroyable pour cet enfant au bas du parc de la rue Centre qui était entouré de confinements sociétaux invisibles.

« Le racisme était beaucoup plus présent à l’époque », a confié le fils de Kwong, Rangy, lors du service commémoratif public de Norman le 13 septembre 2016.

« Il m’a dit que ça le motivait. Il ne faisait pas la promotion de la violence, mais il m’a appris à m’élever au-dessus de tout cela. »

« Je ne crois pas qu’il réalisait l’impact qu’il a eu partout au Canada. »

« Ça m’a grandement surpris quand je l’ai appris », a dit Kwong au Herald à propos du fait qu’il était le premier lieutenant-gouverneur d’origine asiatique.

« Et soudainement, je suis dans ce poste. C’est un peu ironique. J’aurais aimé que ma mère et que mon père soit parmi nous pour le voir. »

Ils ne l’étaient pas, mais les habitants du Canada l’ont vu, et le tout a eu un impact.

Cette année, Ibrahim « Obby » Khan est devenu le premier musulman à être élu député au Manitoba. L’ancien joueur de ligne offensive est connu pour son passage avec les Blue Bombers de Winnipeg – il a également passé la dernière saison de sa carrière en tant que membre des Stampeders. L’héritage de Kwong est évident pour lui, puisqu’il suit un chemin similaire, du football au monde des affaires puis dans le domaine politique.

« À mon avis, il est l’ultime pionnier en termes d’ouvrir la voie pour la diversité dans la LCF », a dit Khan.

« Le simple fait que mon nom soit mentionné dans la même phrase que le sien est un honneur pour moi. »

Près de six ans après le décès de Kwong, son héritage est encore bien présent en Alberta et au Canada.

Quand Randy Kwong a pris la parole lors du service commémoratif de son père en 2016, il a qualifié la personnalité de son père de « véritable force de la nature ».

« Il était une douce brise, qu’on ne voyait pas, mais qu’on sentait », a-t-il dit.

« Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi il était souvent le plus populaire de la pièce. »

D’après une chronique de Chris O’Leary publiée sur CFL.ca.