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30 mai 2020

Même à la retraite, Adam Rita a le football dans le sang

Federico Lino

TORONTO — Lorsqu’Adam Rita, gagnant de six coupes Grey, a célébré son 65e anniversaire, il a fait une promesse.

Il s’est retiré de la Ligue canadienne de football (LCF).

L’un des entraîneurs-chefs et des directeurs généraux les plus décorés de l’histoire du circuit canadien, Rita avait promis qu’à la suite de sa carrière dans la LCF, qui a duré trois décennies, il mettrait un terme à tout cela. Du moins, en Amérique du Nord.

« Je suis devenu un entraîneur-chef dans la LCF en 1983 », a dit Rita. « C’était en Colombie-Britannique et je crois que je suis allé de Vegas à Hawaï, pour finalement me retrouver avec les Lions de la Colombie-Britannique. »

« C’était la première année qu’ils avaient ouvert le nouveau stade et c’était assez incroyable; c’était bondé de monde. 50 000 personnes y étaient. C’était fou! Et, par la suite, j’ai dirigé dans la LCF pendant presque 30 ans, je crois bien. »

« Lorsque j’ai eu 65 ans, j’ai pris ma retraite. Je m’étais fait la promesse de prendre ma retraite du football professionnel et d’utiliser mes habiletés dans ce sport afin de voyager. »

Après avoir pris sa retraite de la LCF, Adam Rita a poursuivi sa carrière d’entraîneur-chef en Europe (Federico Lino).

Gardez en tête que cet homme a été l’entraîneur-chef des Argonauts de Toronto, les menant à la Coupe Grey en 1991, avec Rocket Ismail et Matt Dunigan, en plus d’avoir été le coordonnateur offensif des Argos avec Doug Flutie derrière le centre, jusqu’à la conquête de la Coupe Grey de 1996. Il a amorcé sa carrière dans la LCF avec les Lions de la C.-B., leur permettant d’atteindre le match de la Coupe Grey en 1983.

Alors, que fait-il depuis sa retraite?

Il enseigne le football, évidemment.

Mais cette fois-ci, en Europe.

Il a découvert le site web Europlayers.com — un peu comme monster.ca, mais pour le football – et il s’est dirigé vers Prague, en République tchèque.

« Mon premier travail en Europe était à Prague et j’ai adoré ça! », a dit Rita. « Ma conjointe est originaire de Hongrie, alors retourner en Europe était un peu comme revenir à la maison. À partir de Prague, nous pouvions faire des voyages aller-retour jusqu’en Hongrie, afin de visiter ses parents et sa famille. C’était super. Les Panthers de Prague étaient vraiment bons. Nous avons eu beaucoup de plaisir. »

Rita, lui qui a dirigé l’équipe de Boise State avant de débarquer dans la LCF, était en voie de se faire surprendre à Prague. Il y a eu un temps assez long d’ajustements. Il devait jongler avec le fait que son équipe jouait dans la Ligue tchèque ainsi que dans la Ligue autrichienne, l’une des meilleures ligues de football américain en Europe. Il a dû aussi vivre avec le fait que la plupart de ses joueurs étaient des athlètes à temps partiel. En d’autres termes, les joueurs tchèques avaient des emplois de jour.

« Passer d’un entraîneur professionnel à un entraîneur européen, c’est une grande étape », a expliqué Rita. « La première année peut être très difficile. Ces gars-là ont des emplois autres que le football. Ils s’entraînent trois fois par jour et jouent le samedi. Nous avions deux horaires dans la Ligue autrichienne et la Ligue tchèque. Nous jouions donc le samedi et le dimanche, ce qui est dur à croire. Lorsque je leur ai demandé pourquoi ils faisaient ça, ils m’ont simplement répondu qu’ils adoraient le football. Deux parties par semaine, c’était différent, mais nous y sommes arrivés. »

L’autre différence majeure était le manque de temps d’entraînement.

« Pour commencer, il a fallu que je baisse mes attentes en ce qui a trait au temps d’entraînement », a dit Rita. « Ce fut le plus gros des ajustements pour moi. Je m’attendais à voir les joueurs se présenter et participer à 100 % aux entraînements. Je pense que plus on s’entraîne, plus on a de chance de remporter des matchs, et ce, même si le talent n’y est pas complètement. Ç’a été difficile. »

Un des joueurs les plus fiables de son équipe au cours de sa première année était Jan Dundacek, considéré comme l’un des meilleurs joueurs, et ce, pas seulement dans son pays, mais dans toute l’Europe, à cette époque. Il a été impressionné par son nouvel entraîneur-chef.

« Adam était quelqu’un qui connaissait beaucoup de choses, en plus d’être une personne très enthousiaste et pleine d’esprit. Et je m’en suis aperçu dès la première rencontre », a dit Dundacek. « Et j’ai toujours préféré les entraîneurs avec une attitude positive, plutôt que ceux qui criaient tout le temps. Ç’a été une année difficile, nous qui avions un grave manque de personnel. Mais il nous a menés le plus loin que nous pouvions aller. »

Sous les ordres de Rita, les Panthers de Prague se sont rendus en finale du championnat de la République tchèque en 2012, ne perdant que par un seul point durant le match. Ils ont remporté trois des sept parties jouées dans la Ligue autrichienne. Ce fut donc un début très pédagogique pour Rita, en tant qu’entraîneur-chef européen.

Adam Rita (à gauche), alors le DG et le VP aux opérations football des Argos, posait avec l’entraîneur-chef Jim Barker (au centre) et le président et chef de la direction Bob Nicholson, en 2010 (The Canadian Press).

« J’avais l’un des joueurs les plus polyvalents cette année-là en Jan Dundacek », a dit Rita. « Il était un excellent athlète qui pouvait jouer à toutes les positions. Il était intelligent et comprenait tellement bien le football. »

« Il pouvait aussi jouer à la position de quart-arrière et il était mon receveur par excellence, mon meilleur joueur. Un joueur des grandes occasions. Un fabricant de jeux. »

Après avoir passé la saison suivante au Canada, Rita est retourné en Europe en 2014, cette fois-ci en Suisse et les Broncos de Calanda élisaient domicile dans les Alpes suisses. La vue était époustouflante, mais Rita n’a passé qu’une demi-saison là-bas, avant de revenir au Canada.

« De Prague, je me suis retrouvé en Suisse avec les Broncos de Calanda », a dit Rita. « Une tout autre expérience… J’ai bien aimé mon temps passé là-bas et j’y ai fait de belles rencontres. Par la suite, j’ai pris une année de congé de l’Europe pour revenir diriger au Canada. »

De retour au Canada, Rita a décidé de prendre une autre année de congé du football afin de rester à la maison. En 2016, il s’est rendu à l’endroit où il avait toujours voulu diriger : Bergamo, en Italie.

« J’ai pu diriger une équipe avec laquelle j’ai toujours voulu travailler, les Lions de Bergamo, puisque plusieurs personnes que je connaissais étaient passées par là », a dit Rita.

L’un de ceux-là était un autre entraîneur-chef champion de la Coupe Grey, Danny Maciocia, lui qui avait dirigé les Lions en 1998 et en 1999.

« Je connaissais Danny et je savais qu’il avait fait de l’excellent travail », a dit Rita.

Tout comme avec les autres équipes européennes qu’il avait dirigées, Rita a dû s’ajuster, lorsqu’il est arrivé en Italie.

« Ce qui est le plus difficile, c’est le temps que tu as avec les joueurs », a dit Rita. « Lorsque tu diriges au niveau professionnel, tu peux avoir quatre heures et demie de temps avec eux chaque jour. En Europe, tu es chanceux si tu peux les avoir pour trois jours. Ce fut le plus gros des ajustements que j’ai eus à faire. Et j’aimais aussi ajouter de nouveaux joueurs. Il fallait donc que je m’adapte également. »

« Personnellement, je n’échangerais cette expérience contre rien au monde. C’est la meilleure chose qui me soit arrivée. J’ai vécu plusieurs grands moments dans ma vie. »

– Adam Rita 

L’un des autres ajustements à faire pour un entraîneur-chef nord-américain en Europe est le fait d’avoir un très petit groupe d’entraîneurs. Dans le cas de Rita, il était souvent le seul entraîneur. Il fallait donc qu’il s’appuie grandement sur les joueurs qu’il avait amenés avec lui.

« Parfois, j’avais un petit groupe d’entraîneurs adjoints et d’autres fois, j’étais seul », a dit Rita. « Il fallait donc que j’utilise les Américains afin de m’épauler lors des entraînements. Ça ne me dérangeait pas du tout. Lorsque je dirigeais dans la LCF, mon quart-arrière était mon entraîneur adjoint. »

« Je m’assurais qu’il sache tout ce qu’il devait savoir au cas où il devait m’arriver quelque chose durant le match. Il pourrait donc prendre la relève. »

En 2017, il a pris la tête de l’équipe de Bergamo, elle qui avait terminé la saison précédente avec une fiche de 1-9 et elle devait se qualifier afin de pouvoir évoluer à nouveau dans la division principale. Cette année-là, Rita les a menés jusqu’aux matchs éliminatoires, pour la première fois en trois saisons.

Au cours de sa deuxième campagne, au lieu d’utiliser un joueur nord-américain, Rita a fait appel à un joueur italien au poste de quart-arrière, Andrea Fimiani. Bien que la formation n’ait pas bien fait – plusieurs joueurs manquaient à l’appel –, son pivot s’est bien développé sous ses ordres.

« En Italie, mon quart-arrière au cours de ma deuxième et de ma troisième saison était un jeune Italien que j’aimais beaucoup », a dit Rita. « Il était une version italienne de Doug Flutie, un de ces gars qui est super athlétique et qui adorait le football. Et c’est exactement ce que je voulais. Nous nous sommes bien amusés au cours de ces deux saisons ensemble. »

Sous les ordres de Rita, Fimiani est devenu un quart-arrière recherché en Italie, alors tout le monde s’arrachait les pivots des États-Unis.

Fimiani, lui qui est maintenant l’un des quarts de l’équipe nationale italienne, a louangé son entraîneur-chef.

« Il était le premier entraîneur américain avec qui j’ai pu travailler, alors il est certain que ses méthodes étaient différentes de celles des Italiens », a dit Fimiani. « Ce que j’ai le plus apprécié de son approche, c’est sa capacité de nous concocter des entraînements productifs, et ce, bien que nous n’ayons pas toujours assez de joueurs au cours de ces séances, une situation plutôt commune en Europe. »

« De plus, il était le plus fou des détails… »

« J’ai toujours dit que nous avions peut-être la pire équipe, mais le meilleur entraîneur-chef », a poursuivi Fimiani. « Le fait de simplement pouvoir rivaliser avec les autres équipes était un petit miracle. »

Avec toute son expérience et ses connaissances, l’impact de Rita n’a pas seulement été ressenti par les joueurs, mais aussi par les gestionnaires de l’équipe. Federico Lino était le président et le directeur général des Lions.

« J’ai joué au football américain pour plusieurs années avant de prendre en charge cette équipe et j’ai rencontré plusieurs entraîneurs », a dit Lino. « En trois ans, “coach Rita” — qui est maintenant un ami pour la vie – m’a transmis des connaissances et de la tranquillité. Des connaissances infinies du sport le plus merveilleux qui soit et de la tranquillité afin de m’élever au-dessus de l’adversité. »

Bien que les deux dernières saisons en Italie n’aient pas été comme il l’aurait voulu, due à plusieurs circonstances hors de son contrôle – les finances de l’équipe, entre autres —, Rita est très fier des résultats.

« Personnellement, je n’échangerais cette expérience contre rien au monde », a dit Rita. « C’est la meilleure chose qui me soit arrivée. J’ai vécu plusieurs grands moments dans ma vie. »

« En fait, je dis toujours à ma conjointe que je suis le gars le plus chanceux du monde puisque je fais ce que j’aime. »

D’après un article de Roger Kelly, paru sur CFL.ca